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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/49

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L’ART WAGNÉRIEN

combats troyens, les sereines colères. — sereines et fatales — des guerriers fabuleux. Les épithètes notant les sensations étaient rares, vagues, peu variées : mais les actes étaient liés par une implacable logique : et sans cesse des discours rompaient la série des actes. Admirable soin des notions et des raisonnements : l’âme première des Grecs y paraît. Et voici le théâtre, au lieu des récits. À peine assez d’action pour légitimer les disputes, les altercations, les controverses patientes. Puis, pour ce peuple de raisonneurs, un théâtre raisonneur et moralisateur, les drames-sermons d’Eschyle et de Sophocle sur le châtiment de l’orgueil, les héréditaires expiations. Et puis ces fleurs un peu maladives du génie grec, les tragédies d’Euripide : « Vos dieux sont en vos âmes : ils sont les cruelies passions détruisant Téquilibre salutaire des besoins. Voyez les effets de vos maux : tenez Hermione et Phèdre pour les images de vos propres passions ! »

Mais à cette race exemplaire de dialecticiens, ni le récit ni Je drame ne pouvaient suffire longtemps ; ils exigeaient une vie toute de notions pures, bellement enchaînées, ils exigeaient la forme du roman dialectique. Par l’admirable génie de Platon ils l’obtinrent ; et nous avons gardé l’éblouissement de cet art divin. Voyez-les, au travers des dialogues. marcher et jouer, beaux d’une hardie beauté, les jeunes hommes d’Athènes ! Entourant Socrate, ils jouent avec lui le seul jeu qui les séduise : la discussion, la recherche d’hypothèses, l’enfantement ininterrompu de nobles rêves logiques. Platon a compris la réalité unique du Moi