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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/50

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NOS MAÎTRES

créateur, et la projection de ce Moi au néant, d’où naissent les mondes : il a superposé la philosophie idéaliste parfaite du Vrai à la science évolutionniste de l’Apparent. Mais pour les artistes son œuvre est surtout le roman exemplaire de l’âme athénienne. Il ne néglige point les sensations, peint d’étonnants paysages oii se meuvent des formes gracieuses et légères ; mais il nous en montre tout juste ce qu’en percevait son àme, amoureuse des seules idées. Ses personnages parlent peu de leurs affaires, n’y songeant point ; ils vivent, cependant, une intense et délicieuse vie. Et l’honnête bourgeois Criton, homme solennel et discret, m’est plus familier mille fois que le négociant parisien chez qui j’achète mes plumes.


La littérature latine suivit un développement pareil à celui des lettres grecques, plus âpre seulement et plus rude, jusqu’au jour où la Grèce imposa aux Romains le désir de continuer son art. Qu’importent les premières légendes latines, les barbares essais du drame chez ce peuple ? L’imitation grecque, ensuite, fit la comédie sans art et sans vie de Térence et de Piaule. Puis Virgile tenta une épopée, et fit un adorable roman ; Tite-Live mêla, dans son beau feuilleton, les qualités poétiques de l’esprit latin aux raisonnements helléniques ; et déjà ses raisonnements ne sont plus la dialectique d’Hérodote ou de Thucydide. Tite-Live est éloquent, doué de cette vertu nouvelle que les Romains nous montrèrent, et que je crois le début d’une littératare spéciale, purement musi-