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Page:Wyzewa - Nos maîtres, 1895.djvu/56

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NOS MAÎTRES

l’afflux des notions sensibles, nouvellement perçues, un précieux vocabulaire de signes nouveaux. Quelques-uns même — et c’est la gloire de Flaubert — ont pris un personnage unique ; le roman entier est la série des sensations perçues par lui seul. Toutes innovations nécessaires et légitimes, mais qui ne nous font pas excuser le caractère incomplet de cette vie : le personnage y est non expliqué, simplement décrit ; nous savons ce qu’il sent, mais non par quels motifs il le sent.

III

La littérature, art des notions, a toujours gardé, depuis les légendes primitives jusqu’à nos romans contemporains, une même destination, la destination assignée par Wagner à toute forme de l’art : elle a voulu créer, au-dessus de la réalité habituelle, la réalité supérieure et plus réelle d’une vie artistique, y transposant, avec la joie du libre pouvoir, les éléments fournis par la vie habituelle. Il n’y a point d’opposition entre le conte épique, le drame, le roman : mais ce sont trois formes successives d’un même art, dont chacune a répondu, et peut encore répondre, aux besoins artistiques de certains esprits. Il n’y a point d’opposition entre le roman dit réaliste et qui est seulement descriptif, et le roman dit idéaliste, qui est seulement psychologique. Ce sont deux aspects différents d’une même vie ; et ils doivent être con-