Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/131

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Cependant, quand tu seras vieux, il est évident que tu auras à faire des dépenses, et personne ne voudra te payer pour tes services manuels. — Tu dis vrai. — Ne vaudrait-il donc pas mieux t’occuper dès à présent de travaux qui puissent encore te soutenir dans ta vieillesse, t’adresser à un homme qui ait de grandes propriétés, et qui ait besoin de quelqu’un pour les régir, surveiller les travaux, l’aider à rentrer les récoltes, à conserver son avoir, lui rendre service pour service ? — J’aurais peine, Socrate, à endurer l’esclavage. — Pourtant, ceux qui sont à la tête des cités et qui dirigent les affaires publiques, ne sont pas regardés pour cela comme plus esclaves que les autres hommes ; on les croit, au contraire, plus libres. — Enfin, Socrate, je ne veux pas du tout m’exposer à recevoir des reproches. — Certes, Euthère, il n’est pas facile de trouver un travail qui n’expose pas aux reproches ; quoi qu’on entreprenne, il est difficile de ne pas faire de fautes, et il est encore difficile, quand on n’en fait pas, de ne pas rencontrer un juge inepte ; aussi je m’étonnerais que, dans ce que tu dis faire aujourd’hui, il fût aisé de se mettre à l’abri du blâme. Il faut donc essayer d’éviter les gens pointilleux, et rechercher ceux qui ont l’esprit bien fait, te charger de tout ce que tu peux faire, te défier de ce que tu ne peux pas, et exécuter le mieux possible et de grand cœur tout ce que tu auras entrepris : je crois qu’en agissant ainsi tu t’exposeras fort peu aux reproches, tu trouveras des ressources contre l’indigence, tu vivras sans peine et sans crainte, et, jusqu’à ta vieillesse, tu auras largement de quoi te suffire. »


CHAPITRE IX.


Socrate indique à Criton le moyen de se mettre à l’abri des sycophantes[1].


Il entendit un jour moi présent, Criton se plaindre que la vie était difficile à Athènes pour un homme qui voulait s’oc-

  1. Les dénonciateurs, les mouchards grecs, furent la peste de la démocratie athénienne, comme les délateurs, les quadruplateurs, furent le fléau de Rome dans les derniers temps de la république et sous l’empire. Cf. Lucien, de la Délation, t. II, p. 284 de notre traduction.