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CHAPITRE VI.


Il engage Glaucon, jeune homme sans expérience, à ne pas se mêler des affaires de l’État[1].


Glaucon[2] fils d’Ariston, aspirait à devenir orateur populaire, avec la prétention d’arriver au gouvernement de l’État, quoiqu’il n’eût pas encore vingt ans ; ses parents et ses amis ne pouvaient le faire revenir, bien qu’on l’arrachât de la tribune et qu’on le couvrît de huées. Socrate, qui lui voulait du bien,

  1. Cf. la IVe Sat. de Perse.
  2. Ce Glaucon était frère de Platon : plus présomptueux que capable, il nourrissait beaucoup de chiens et d’oiseaux de proie pour la chasse. Il figure dans trois dialogues de Platon, la République, le Parménide et le Banquet. Je ne puis résister au désir de citer ici dans son entier la charmante imitation qu’Andrieux a faite de ce chapitre de Xénophon :

    Glaucon avait trente ans, bon air, belle figure ;
    Mais parmi les présents que lui fit la nature,
    Elle avait oublié celui du jugement.
    Glaucon se croyait fait pour le gouvernement.
    Pour avoir eu jadis un prix de rhétorique,
    Il s’estimait au monde un personnage unique,
    Sitôt qu’à la tribune il s’était accroché,
    Aucun pouvoir humain ne l’en eût détaché.
    Parler à tout propos était sa maladie.
    Socrate l’abordant : « Plus je vous étudie,
    Plus je vois, lui dit-il, le but où vous visez.
    Votre projet est beau, s’il n’est des plus aisés.
    Vous voulez gouverner, vous désirez qu’Athènes
    De l’État en vos mains remette un jour les rênes ?
    — Je l’avoue. — Et sans doute à vos concitoyens
    Vous paierez cet honneur en les comblant de biens ?
    — C’est là tout mon désir. — Il est louable, et j’aime
    Que l’on serve à la fois sa patrie et soi-même.
    À ce plan, dès longtemps, vous avez dû penser ;
    Par où donc, dites-moi, comptez-vous commencer ? »
    Glaucon resta muet, contre son ordinaire.
    Il chercha sa réponse. « Un très-grand bien à faire
    Ce serait, dit Socrate, en ce besoin urgent,
    Dans le trésor public d’amener de l’argent.
    N’allez-vous pas d’abord restaurer nos finances,
    Grossir les revenus, supprimer les dépenses ?
    — Oui ; ce sera bien là le premier de mes soins.
    — Il faut recevoir plus, il faut dépenser moins.
    Vous avez à coup sûr, calculant nos ressources,