Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/162

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dit-il, car je crois que la fortune et l’action sont deux choses opposées : trouver son bien-être sans le chercher, voilà ce que j’appelle faire fortune ; mais par son savoir et son zèle arriver au succès, voilà ce que j’appelle bien faire, et ceux qui procèdent ainsi, me paraissent réussir. »

Il disait qu’il regardait comme les plus estimables et les plus chers aux dieux, les laboureurs qui travaillent bien à la terre, les médecins qui exercent bien la médecine, les hommes d’État qui dirigent bien la politique ; mais que ne rien faire da bien, c’est n’être ni utile à personne, ni cher aux dieux.


CHAPITRE X.


Conseils artistiques donnés à Parrhasius, à Cliton et à Pistias sur la peinture, la statuaire et la fabrication des armes.


D’autre part, quand il lui arrivait de converser avec des artistes vivant de leur travail, il leur était encore utile. Il entra un jour dans l’atelier du peintre Parrhasius[1], et eut avec lui cette conversation : « Dis-moi, Parrhasius, la peinture n’est-elle pas une représentation des objets visibles ? Ainsi les enfoncements et les saillies, le clair et l’obscur, la dureté et la mollesse, la rudesse et le poli, la fraîcheur de l’âge et sa décrépitude, vous les imitez à l’aide des couleurs ? — Tu dis vrai. — Et si vous voulez représenter des formes parfaitement belles, comme il n’est pas facile de trouver un homme qui

  1. « Parrhasius d’Éphèse, fils et disciple du peintre Événor, et son contemporain Zeuxis d’Héraclée, furent à Athènes, pendant la guerre du Péloponèse, les chefs de l’école ionienne pu asiatique, qui sacrifiait un peu trop l’idéal et l’expression morale à l’illusion matérielle et à ce qui flatte directement les sens. Aussi, dans ce chapitre, Parrhasius commence-t-il par nier que les sentiments moraux puissent être rendus par la peinture. Cependant, un peu avant l’époque de Parrhasius et de Zeuxis, les peintres de l’école athénienne, Micon, Panamus, frère de Phidias, et surtout Polygnote de Thasos, chargés par Périclès d’orner de leurs tableaux les principaux édifices d’Athènes, avaient excellé par l’idéal et l’expression morale. Aristide de Thèbes excella aussi à rendre les sentiments et les passions. L’idéal et la sévérité du dessin avaient été le caractère de l’école de Sicyone. Le mérite spécial de Zeuxis et de Parrhasius consistait dans le coloris, dans le fini des détails, et surtout dans la dégradation des teintes, déjà traitée avec succès par Apollodore d’Athènes. Sous le règne d’Alexandre, Apelles sut réunir tous les mérites des peintres antérieurs. » H. Martin.