Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/221

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« C’est ce même Cyrus qui, dit-on, lorsque Lysandre vint lui apporter des présents de la part des alliés, lui fit mille démonstrations d’amitié, ainsi que l’a raconté jadis Lysandre lui-même à l’un de ses hôtes de Mégare, et le fit promener avec lui dans son paradis de Sardes[1]. Lysandre s’extasiait devant la beauté des arbres, la symétrie des plants, l’alignement des allées, la précision des rectangles, le nombre et la suavité des parfums qui faisaient cortége aux promeneurs ; et, tout plein d’admiration : « Oui, Cyrus, dit-il, j’admire toutes ces beautés ; mais ce que j’admire le plus, c’est celui qui t’a dessiné et ordonné tout cela. » En entendant ces mots, Cyrus fut charmé, et lui dit : « Eh bien, Lysandre ! c’est moi qui ai tout dessiné, tout ordonné ; il y a même des arbres, ajouta-t-il, que j’ai plantés moi-même. » Alors Lysandre, jetant les yeux sur lui, et voyant la beauté de ses vêtements, sentant l’odeur de ses parfums, frappé de l’éclat de ses colliers, de ses bracelets, de toute sa parure, s’écria : « Que dis-tu, Cyrus ? C’est bien toi qui, de tes propres mains, as planté quelqu’un de ces arbres ? » Alors Cyrus : « Cela te surprend, Lysandre ? lui dit-il. Je te jure par Mithra[2] que, quand je me porte bien, je ne prends jamais de repos avant de m’être couvert de sueur, en m’occupant de travaux militaires ou de tout autre exercice. » Alors Lysandre, lui serrant la main : « C’est à bon droit, Cyrus, dit-il, que tu me sembles heureux : homme vertueux ! tu mérites ton bonheur. »



CHAPITRE V.


Éloge de l’agriculture : elle procure de douces jouissances, augmente la fortune, prépare le corps aux travaux guerriers, enseigne la justice et la libéralité, enfante et nourrit les arts. — Réfutation d’une objection de Critobule.


« Ce que je te dis là, Critobule, continua Socrate, n’est que pour t’apprendre que même les plus heureux des hommes ne peuvent se passer de l’agriculture. Sans contredit, le soin qu’on y apporte est une source de plaisir, de prospérité pour

  1. Cf. Cicéron, De la vieillesse, chap. xvii, § 59.
  2. Divinité persane qu’on a tort de confondre avec le soleil, et qui n’est autre que le principe des générations et de la fécondité qui perpétue et rajeunit le monde. Voy. le Dict. de Jacobi.