CHAPITRE XIX.
« L’art de planter, continuai-je, fait-il partie de la science agricole ? — Assurément, répondit Ischomachus. — Comment alors se fait-il que je n’entende rien à planter, lorsque je sais semer ? — Toi, reprit Ischomachus, tu ne sais pas planter ? — Eh ! comment le saurais-je, moi qui ne connais ni les terrains propres aux plantations, ni la profondeur ni la largeur qu’il convient de donner aux fosses[1], ni à quel point il faut enfoncer le jeune plant pour qu’il devienne beau ? — Eh bien ! dit Ischomachus, apprends donc ce que tu ne sais pas. Tu as vu, j’en suis sûr, des fosses comme on en creuse pour faire des plants. — Oui, bien souvent, lui dis-je. — En as-tu vu qui eussent plus de trois pieds de profondeur ? — Non, par Jupiter ! elles n’avaient pas plus de deux pieds et demi. En as-tu vu de plus de trois pieds en largeur ? — Non, par Jupiter ! elles n’avaient pas même deux pieds. — Maintenant, réponds-moi, en as-tu vu qui eussent moins d’un pied de profondeur ? — Non, par Jupiter, jamais moins d’un pied et demi ; car les arbres se déplanteraient au moindre coup de bêche, s’ils étaient plantés à fleur de terre. — Tu sais donc, Socrate, qu’on ne donne aux fosses ni plus de deux pieds et demi, ni moins d’un pied et demi de profondeur. — Nécessairement, repris-je ; ce qui saute aux yeux est de toute évidence. — Maintenant, reprit-il, un terrain sec et un terrain humide, les sais-tu distinguer à la vue ? — Un terrain sec, répondis-je, est, par exemple, celui qui avoisine le mont Lycabette[2], et tout autre analogue, un terrain humide est celui qui avoisine le marais de Phalère[3], et tout autre semblable. — Creuseras-tu profondément la fosse de ton plant dans un terrain sec ou dans un terrain humide ? — Dans un terrain sec, ma foi ! En creusant profondément dans un terrain humide, on rencontre l’eau : or, on ne saurait
- ↑ Cf. Virgile, Géorgiq., II, v. 288. Cette partie de l’ouvrage de Virgile présente encore d’autres rapprochements avec celui de Xénophon.
- ↑ Montagne célèbre de l’Attique, en face de l’Acropole.
- ↑ Marais voisin de la ville de Phalère, l’un des trois ports d’Athènes : les deux autres étaient le Pirée et Munychie.