veulent pas risquer de mal agir. — Te rendent-ils donc ce qu’ils reçoivent de toi ? — En aucune façon. — Tout au moins as-tu des remercîments pour ton argent ? — Non ma foi, pas de remercîments ; quelques-uns même me haïssent encore plus qu’avant de recevoir. — Voilà qui est étonnant, dit Antisthène en regardant fixement Callias comme pour le confondre ; tu peux rendre les hommes justes envers les autres, et non pas envers toi ? — Qu’y a-t-il d’étonnant, dit Callias[1] ? Ne vois-tu pas nombre de charpentiers et d’architectes qui bâtissent des maisons pour je ne sais combien d’autres, et qui, hors d’état de le faire pour eux-mêmes, se logent à loyer ? Souffre donc, beau sophiste, que je te batte à ton tour. — Par Jupiter, dit Socrate, il faut bien qu’il le souffre : puisqu’il y a, dit-on, des devins qui prédisent l’avenir aux autres, tandis qu’ils ne prévoient pas pour eux-mêmes ce qui doit arriver. » Ils brisèrent là-dessus. Sur ce point Nicératus : « Écoutez, dit-il, de ma bouche le moyen de devenir meilleurs, si vous suivez mes leçons. Vous savez, sans doute, qu’Homère, ce sage accompli, a embrassé dans ses poëmes presque tout ce qui a trait à la vie humaine. Ainsi quiconque de vous voudra devenir économe, orateur, général, ressembler à Achille, à Ajax, à Nestor, à Ulysse, qu’il m’écoute ; car je puis enseigner tout cela. — Sais-tu aussi l’art de régner, dit Antisthène ? Tu n’ignores pas qu’Homère louait Agamemnon[2]
D’être à la fois bon prince et brave combattant.
— Mais oui, par Jupiter, continua Nicératus, je sais également qu’un conducteur de char doit se pencher en arrivant près de la borne[3] :
Sur ce char élégant penche-toi vers la gauche ;
Que le coursier de droite, animé par ta voix,
S’élance, entraînant tout et brides, et harnois.
Outre cela, je sais une autre chose, et vous pouvez à l’instant même en faire une preuve. Homère a dit quelque part[4] :
Rien n’assaisonne mieux la boisson que l’oignon.
Que quelqu’un vous apporte de l’oignon, et sur-le-champ