Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/393

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vert et poursuivi, il traverse parfois les ruisseaux[1], fait des crochets, et se blottit dans des fentes de roche, des terriers. C’est qu’il a peur non-seulement des chiens, mais même de l’aigle, qui enlève les levrauts d’un an, lorsqu’ils traversent les cultures et les endroits découverts : plus grands, ils sont pris par les chiens courants.

Les lièvres de montagne sont très-vites, ceux de plaine le sont moins ; ceux de marais très-lents : ceux qui errent de tous côtés sont très-difficiles à prendre à la course ; ils savent les chemins courts, et ils ont plus de jambe dans les montées et dans les lieux plats ; sur les terrains inégaux, leur course est inégale ; mais ils courent mal en descendant.

Ceux qu’on poursuit sur une terre fraîchement remuée, l’œil peut les suivre, surtout s’ils ont le poil roux ; et même dans les chaumes, à cause du reflet : on les aperçoit également dans les sillons et sur les routes, quand elles sont droites : là le brillant de leur poil luit à la vue ; on les perd dans les roches, les montagnes, les endroits pierreux et les fourrés, à cause de la ressemblance de couleur.

Quand le lièvre a le devant sur les chiens, il s’arrête, s’assied, se dresse, et écoute si la voix et le bruit des chiens se rapprochent ; puis il s’éloigne du point où ils arrivent : quelquefois, n’entendant rien, mais croyant ou se persuadant qu’il a entendu, il fait mille bonds, croise ses traces et gagne au pied. Ceux-là sont de longue haleine que l’on surprend dans les endroits nus, parce que tout y est en vue, tandis que les lièvres qu’on fait lever dans les fourrés courent très-peu ; l’obscurité les arrête.

Il y a deux espèces de lièvres : les uns, grands, noirâtres, ont une grande tache blanche au front ; les autres, plus petits, un peu jaunes, ont cette tache moins grande[2] : la queue des uns est tachetée en cercle, celle des autres peu voyante : ceux-ci ont les yeux tirant sur le noir ; ceux-là sur le gris : ils ont le bout des oreilles noir en partie, et les autres peu[3].

  1. Voici, sous ce rapport, une curieuse observation de du Fouillons sur ces habitudes du lièvre : « l’en ay veu d’autres qui nageoient vne riuiere qui pouuoit auoir huict pas de large, et la passoient et repassoient, en la longueur de deux cens pas, plus de vingt fois deuant moy. »
  2. Ce passage, qui avait embarrassé les commentateurs, a été éclairci de la manière suivante par Weiske : « Cette tache blanche, dit-il, me donnait de l’embarras… Mais un savant ami m’apprit qu’elle existe chez les jeunes levrauts, et qu’elle disparaît graduellement, à mesure qu’ils grossissent. »
  3. « On cognoist le masle en le voyant partir du giste, parce qu’il a le derriere blanchastre, comme s’il auoit esté plumé. Ou bien le cognoistrez par les espaules, lesquelles sont communément rouges, ayant parmy quelques poils longs. Semblablement le cognoistrez en la teste, laquelle il a plus courte et plus toffue que la femelle, le poil et barbe des iouës long, et volontiers les oreilles courtes, larges et blanchastres, qui est au contraire de la femelle, car elle a la teste longue et estroite, et les oreilles grandes, le poil de dessus l’eschine d’un gris tirant sur le noir. » Du Fouillloux.