Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/428

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Plyntéries[1], où l’on couvre d’un voile la statue de Minerve, ce que quelques-uns regardèrent comme de mauvais augure pour lui et pour la ville, attendu que, ce jour-là, pas un Athénien n’oserait entreprendre un acte sérieux. Au moment où il débarque au Pirée, la foule du Pirée et celle de la ville se presse autour des vaisseaux pour admirer et pour voir cet Alcibiade, que plusieurs assurent être le meilleur de tous les citoyens : « Seul, disent-ils, il a montré l’injustice de son bannissement ; il a été victime de gens qui ne le valent pas, qu’il écrasait de son éloquence, et dont toute la politique n’allait qu’à leur intérêt personnel. Lui, au contraire, il a toujours travaillé au bien commun par l’emploi simultané de ses ressources et de celles de la ville. Quand il a voulu être jugé sans délai sur l’accusation portée contre lui comme profanateur des mystères, ses ennemis ont fait rejeter une demande qui paraissait juste, et ont profité de son absence pour le bannir de sa patrie. Alors, esclave de la misère, il s’est vu forcé de servir ses plus cruels ennemis, exposé chaque jour à perdre la vie, voyant ses amis les plus intimes, ses concitoyens, ses proches, la ville entière, commettre de grandes fautes, sans pouvoir leur être d’aucun secours à cause des entraves de son exil. Ce n’est pas d’hommes comme lui, ajoutaient-ils, qu’on doit craindre des révolutions et des bouleversements, puisque la faveur du peuple le met au-dessus de tous ceux de son âge et l’égale à ceux qui sont plus vieux que lui, tandis que ses ennemis semblent à son égard ce qu’ils étaient auparavant, prêts à faire périr, dès qu’ils en auront la puissance, tous les meilleurs citoyens : aussi sont-ils demeurés en place, parce que le peuple s’en contente, à cause de l’absence de citoyens qui vaillent mieux[2]. »

Le parti opposé disait qu’Alcibiade était la cause unique de tous les maux qu’on avait soufferts, et qu’on risquait de voir ce général attirer à lui seul sur la ville tout ce qu’elle avait à redouter de fâcheux.

Alcibiade, après avoir abordé au rivage, ne descend pas tout de suite à terre, dans la crainte de ses ennemis ; mais il se tient sur le pont, et cherche à voir si ses amis sont là. Apercevant son cousin Euryptolème, fils de Pisianax, et ses autres parents et amis, il débarque et monte à la ville avec cette escorte, déterminée à le protéger contre une attaque.

  1. Cf. Plutarque, Alcibiade, xxxiv.
  2. Sur le retour d’Alcibiade, voy., outre Plutarque, Justin, V, iv.