Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/502

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


Tel est le discours de Phamabaze. Tous les Trente demeurent confus et gardent le silence ; mais Agésilas, au bout de quelques instants : « Tu n’ignores pas, je crois, Pharnabaze, dit-il, que, dans les cités, presque tous les hommes s’unissent entre eux par l’hospitalité. Or, ces hommes, quand leurs cités sont en guerre, combattent avec leur patrie ceux même auxquels ils sont liés par l’hospitalité, et parfois il arrive qu’ils s’entre-tuent. Nous de même, qui faisons aujourd’hui la guerre à votre roi, nous avons été forcés de regarder comme ennemi tout ce qui lui appartenait ; et pourtant nous estimerions au-dessus de tout de devenir tes amis. S’il te fallait échanger la domination du roi contre la nôtre, moi-même je ne te le conseillerais pas ; mais tu es libre, maintenant, en te mettant avec nous, de n’avoir plus à te prosterner devant personne, de vivre sans avoir un maître qui jouisse de ce qui est à toi. Or, pour ma part, je regarde la liberté comme valant bien tous les trésors. Et cependant nous ne t’engageons pas à devenir pauvre et libre, mais à nous prendre pour alliés, afin d’augmenter non pas la puissance du roi, mais la tienne, à subjuguer tes compagnons d’esclavage et à t’en faire des sujets. Si donc tu devenais à la fois libre et riche, que te manquerait-il pour être complétement heureux ? — Faut-il, répond Pharnabaze, vous dire franchement ce que je ferais ? — C’est convenable. — Eh bien ! dit-il, si le roi nomme un autre général sous les ordres duquel il me place, je veux alors être votre ami et votre allié ; mais si c’est à moi qu’il donne le commandement, sachez bien alors que, revêtu d’une telle charge, propre à nourrir l’ambition, j’emploierai, pour vous faire la guerre, tous les moyens qui sont en mon pouvoir. » En entendant ces mots, Agésilas lui prend la main et lui dit : « Plût aux dieux, mon très-cher, qu’avec de tels sentiments tu devinsses notre ami ! mais n’oublie pas une chose : c’est que, maintenant, je vais évacuer ton territoire aussi vite que je pourrai, et qu’à l’avenir, la guerre durât-elle encore, nous ne toucherons ni à toi ni aux tiens, tant que nous aurons à marcher contre un autre ennemi. »

Ce discours fini, la conférence est dissoute. Pharnabaze remonte à cheval et s’éloigne ; mais son fils, né de Parapita, et qui était encore un beau jeune homme, reste en arrière ; et, courant après Agésilas : « Tu es mon hôte, Agésilas, dit-il, je te prends pour tel. — J’accepte. — Ne l’oublie pas ! » Aussitôt il prend son javelot (or il en avait un fort beau), et le donne