Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/518

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allait la lui livrer. Les Corinthiens, craignant alors que la ville ne lui soit réellement livrée par quelques hommes, font venir Iphicrate avec presque tous les peltastes. Mais Agésilas, informé pendant la nuit de leur passage, change de direction à la pointe du jour, et marche contre le Piréum. Il se dirige lui-même vers les Thermes, en envoyant une more vers les sommets les plus escarpés, et il passe la nuit près des Thermes, tandis que la more va de son côté occuper les hauteurs. Agésilas imagine alors un expédient qui, bien que petit en lui-même, n’en mérite pas moins d’être cité. Aucun de ceux qui avaient porté des vivres à la more n’avait pensé à prendre du feu ; et, le froid se faisant sentir à cause de l’extrême élévation à laquelle on se trouvait, ainsi que de la pluie et de la grêle qui étaient tombées sur le soir, les soldats qui étaient déjà montés avec des vêtements d’été étaient glacés et n’avaient aucune envie de manger ainsi dans l’obscurité. Agésilas, alors, n’envoie pas moins de dix hommes portant du feu dans des vases. Ces gens montent de différents côtés, et, comme il y avait beaucoup de bois, ils allument une quantité de grands feux ; après quoi tous se frottent d’huile, et un grand nombre se mettent à souper.

Cette même nuit, on vit distinctement l’incendie du temple de Neptune ; seulement la cause pour laquelle il brûlait, personne n’en sut rien. Quand ceux du Piréum virent que les hauteurs étaient occupées, ils ne songèrent plus à se défendre ; mais, hommes et femmes, esclaves et hommes libres, allèrent tous se réfugier avec la plus grande partie du bétail dans le temple de Junon[1]. Agésilas se dirige alors vers la mer avec son armée ; et en même temps la more, descendue des hauteurs, s’empare de la place forte d’Œnoé et de tout ce qu’elle contient. Ce jour-là, tous les soldats se fournissent en abondance de vivres dans les campagnes. Ceux qui s’étaient réfugiés dans le temple de Junon sortent aussi, laissant à Agésilas de décider de leur sort ; celui-ci ordonne de livrer aux exilés ceux d’entre eux qui avaient pris part aux massacres, et de vendre les autres comme esclaves. On fait ainsi dans le temple de Junon une immense quantité de prisonniers.

Il arrive alors des députations de plusieurs endroits, et en particulier des Béotiens, pour demander à quelles conditions on pourrait obtenir la paix. Agésilas affecte avec une grande

  1. Voy. Tite Live, XXXI, xxiii.