Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/549

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laissées en arrière se sont jointes aux siennes, Phébidas part à leur tête. Arrivé à Thèbes, il place son camp en dehors de la ville, non loin du gymnase. Les Thébains se trouvaient en discussion : Isménias et Léontiade, tous deux polémarques, étaient en rivalité, et chacun à la tête d’un parti. Isménias, par haine pour les Lacédémoniens, n’eut aucun rapport avec Phébidas ; mais Léontiade lui fit sa cour, et, quand il fut entré dans son intimité : « Tu peux aujourd’hui, Phébidas, lui dit-il, rendre le plus grand service à ta patrie ; car, si tu veux me suivre avec tes hoplites, je t’introduirai dans l’Acropole. Cela fait, sois sûr que Thèbes sera complétement au pouvoir des Lacédémoniens, et de notre parti, qui vous est dévoué. Il est vrai qu’à présent, comme tu vois, on a publié la défense à tout Thébain de marcher avec toi contre les Olynthiens ; mais si tu nous aides dans nos plans, nous enverrons aussitôt avec toi un grand nombre d’hoplites et de cavaliers, de sorte que tu amèneras à ton frère de nombreux renforts, et qu’au moment où il est près de se rendre maître d’Olynthe, tu te seras rendu maître de Thèbes, ville beaucoup plus grande qu’Olynthe. »

Phébidas se laisse éblouir à ce discours ; car il préférait quelque brillant exploit à la vie même : il est vrai qu’il ne passait pas pour un homme très-raisonnable, ni très-sensé. Quand il a consenti à la chose, Léontiade lui dit de se porter en avant, comme s’il était prêt à partir : « Puis, quand il en sera temps, lui dit Léontiade, je viendrai à toi et je te servirai de guide. » Le conseil siégeait dans ce moment sous le portique de l’agora, vu que les femmes célébraient les Thesmophories de la Cadmée : c’était en été, et à l’heure de midi ; aussi les rues étaient-elles désertes. Léontiade alors, sautant à cheval, ramène Phébidas en arrière et le conduit droit à l’Acropole. Après y avoir établi Phébidas et ses troupes, il lui remet la clef des portes et lui recommande de ne laisser entrer personne sans ordre, puis il se rend aussitôt au Conseil. Arrivé là, il dit : « Citoyens, les Lacédémoniens occupent l’Acropole ; n’en soyez point effrayés : ils déclarent qu’ils n’agiront point en ennemis avec quiconque ne veut point la guerre. Mais moi, en vertu de la loi qui permet au polémarque d’arrêter tout homme dont la conduite est digne de mort, j’arrête Isménias que voici, comme travaillant à la guerre. Vous donc, lochages, et vous tous dont c’est l’affaire, levez-vous, saisissez cet homme, et emmenez-le où c’est convenu. »