Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/582

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ces précautions, quand on s’attend à un combat naval ; mais ce que je loue dans Iphicrate, c’est que, quand il s’agissait d’arriver promptement où il croyait devoir livrer bataille aux ennemis, il ait trouvé moyen d’empêcher les soldats d’oublier, durant le trajet, les manœuvres d’un combat naval, sans que pourtant ce soin ait retardé sa marche.

Après avoir soumis les villes de Céphallénie, il se rend à Corcyre, où il apprend d’abord l’approche de dix trirèmes, envoyées par Denys au secours des Lacédémoniens : il va lui-même examiner l’endroit du pays d’où l’on peut apercevoir l’arrivée des vaisseaux, et l’annoncer par des signaux visibles de la ville ; il y établit des vigies et convient avec elles de la manière de signaler l’arrivée et le débarquement des ennemis. Ensuite, il donne ses ordres à vingt triérarques qui devaient l’accompagner quand il les ferait appeler par le héraut, puis il déclare d’avance que celui qui n’obéira pas n’aura rien à redire à la punition. Quand on a signalé l’approche des trirèmes, et que le héraut a donné le signal, on déploie un zèle curieux à voir : il n’y a pas un de ceux qui doivent s’embarquer qui ne coure aux vaisseaux. Iphicrate, cinglant à l’endroit où sont les trirèmes ennemies, fait prisonniers les équipages, qui avaient déjà tous quitté les vaisseaux. Le Rhodien Mélanippe avait cependant conseillé aux autres de ne pas rester là, et il était parti avec ses vaisseaux, après avoir embarqué ses gens. Lui-même parvient à s’échapper, bien qu’il eût rencontré les vaisseaux d’Iphicrate ; mais les bâtiments de Syracuse sont pris avec tout leur monde. Cependant Iphicrate, après avoir dépouillé les trirèmes de leurs ornements, les amène à la remorque dans le port des Corcyréens. Il est accordé à chaque homme de payer une rançon déterminée, excepté au commandant Crinippe, qui est gardé soit pour en tirer une grosse somme, soit pour être vendu ; mais Crinippe, de chagrin, se donne lui-même la mort. Iphicrate relâche les autres prisonniers, après que des Corcyréens ont répondu de leur rançon.

Il pourvut, la plus grande partie du temps, à l’entretien de ses matelots, en leur faisant travailler la terre pour les Corcyréens. Passant ensuite en Acarnanie, à la tête de ses peltastes et des hoplites de sa flotte, il secourt les villes amies de ce pays qui peuvent en avoir besoin, et fait la guerre aux Thyriens, peuple vaillant et maître d’une place forte. Puis, après s’être renforcé des vaisseaux de Corcyre, au nombre