Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/623

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déjà dans un dénûment complet, quand ils amenèrent Charès à escorter le convoi. Lorsqu’il est arrivé à Phlionte, ils le prient d’emmener les bouches inutiles à Pellène. Ils les y laissent, achètent des provisions, préparent autant de bêtes de somme que possible, et repartent de nuit. Ils savaient bien que les ennemis les épiaient, mais ils pensaient qu’il était moins terrible de combattre que de n’avoir pas de quoi manger. Les Phliasiens marchaient en avant avec Charès, lorsqu’ils rencontrent les ennemis. Ils se mettent aussitôt à l’œuvre et fondent dessus en s’excitant réciproquement, et tout en criant à Charès de venir les secourir. La victoire leur reste, et, la route balayée, ils arrivent eux-mêmes sains et saufs à Phlionte, avec tout ce qu’ils amènent. Comme ils avaient veillé la nuit, ils dorment bien avant dans le jour ; Dès que Charès est levé, les cavaliers et les hoplites se rendent vers lui et lui disent : « Charès, tu peux aujourd’hui te signaler par l’action la plus glorieuse. Les Sicyoniens fortifient contre nous une place sur les frontières ; ils ont un grand nombre d’ouvriers, mais ils n’ont pas beaucoup d’hoplites. Nous marcherons donc en tête, nous tous les cavaliers et l’élite des hoplites, et, si tu veux nous suivre avec tes mercenaires, peut-être trouveras-tu la besogne déjà faite, peut-être, en paraissant, décideras-tu la déroute, comme à Pellène. Si tu vois dans ce que nous te proposons quelque chose de trop difficile, offre un sacrifice aux dieux pour les consulter, car nous pensons que les dieux t’engageront, encore plus que nous, à faire ce que nous te demandons. Tu ne dois pas ignorer, Charès, que, si tu agis de la sorte, tu posséderas un fort contre l’ennemi, tu sauveras une ville amie, et tu acquerras la plus grande gloire dans ta patrie, le plus grand renom chez les alliés et les ennemis. »

Charès, persuadé, offrit un sacrifice. Alors les cavaliers phliasiens, sans perdre un instant, mettent leurs cuirasses et brident leurs chevaux, tandis que les hoplites font tous les préparatifs ordinaires à l’infanterie. Comme ils se rendent, après avoir pris leurs armes, vers l’endroit où le sacrifice a lieu, ils rencontrent Charès et le devin, qui leur annoncent que les victimes sont favorables. « Mais attendez, ajoute-t-il, nous allons partir aussi. » L’ordre est donné en toute hâte par le héraut, et les mercenaires accourent à l’instant, comme entraînés par une ardeur divine. Lorsque Charès se met en marche, la cavalerie et l’infanterie des Phliasiens le précédent. Ils marchent d’abord rapidement, puis ils se mettent à la course,