Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/642

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sachant bien que la défaite de celles-ci amènerait le découragement chez les siens et redoublerait la force de l’ennemi. Celui-ci avait disposé sa cavalerie, comme un corps d’hoplites, sur un ordre profond, et sans y mêler d’infanterie. Mais Épaminondas forme aussi sa cavalerie en un solide coin d’attaque, et l’entremêle de fantassins, pensant qu’une fois la cavalerie enfoncée, la déroute sera complète dans l’armée ennemie : en effet, on trouve difficilement des gens qui tiennent pied, quand une partie des leurs est en fuite.

Afin d’empêcher aussi les Athéniens de l’aile gauche d’aller au secours de leurs voisins, il établit contre eux, sur quelques hauteurs, des cavaliers et des hoplites, pour leur inspirer la crainte de se voir pris par derrière, dès qu’ils se porteraient en avant. Tel fut donc son ordre de bataille, et son espérance ne fut pas trompée. En effet, vainqueur à l’endroit où il donna, il mit en fuite toute l’armée ennemie. Mais dès qu’il est lui-même tombé[1], les siens ne savent plus profiter comme il faut de la victoire ; et, quoiqu’ils voient les ennemis en déroute, les hoplites ne leur tuent personne, et restent immobiles à la place où le premier choc avait eu lieu. Bien que la cavalerie soit aussi en fuite, les cavaliers qui la poursuivent ne tuent ni cavaliers ni hoplites ; mais, saisis de terreur, ils s’élancent, comme auraient fait des vaincus, à travers les rangs des ennemis en déroute. Cependant, les fantassins mêlés à la cavalerie et les peltastes avaient partagé la victoire des cavaliers et arrivaient en vainqueurs à l’aile gauche ; mais là ils sont presque tous taillés en pièces par les Athéniens.

La bataille achevée, il arriva le contraire de ce que tout le monde croyait. En voyant ce concours de presque toute la Grèce, placée en ligne[2], il n’était personne qui ne crût que la suite du combat ne fût l’empire assuré aux vainqueurs, l’assujettissement des vaincus. Mais la Divinité fit que chaque parti éleva un trophée comme vainqueur, et qu’aucun des deux n’y mit obstacle. Chaque parti, comme vainqueur, accorde à l’autre une trêve pour relever les morts, et chaque parti,

  1. Frappé mortellement de la main même de Gryllus, fils de Xénophon. Voy. Pausanias, VIII, xi.
  2. Suivant Diodore, l’armée des Lacédémoniens et de leurs alliés, s’élevait à plus de 20 000 fantassins et de 2000 cavaliers, celle des Thébains et de leurs alliés à 30 000 hommes de pied et plus de 3000 chevaux. Ainsi près de 60 000 hommes se trouvèrent en présence dans cette bataille, demeurée justement célèbre.