Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/101

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trouvant usées, on en avait fabriqué de cuir de bœuf nouvellement écorché. Ces nécessités avaient fait laisser quelques, traînards. Ceux-ci voyant un endroit noir, parce que la neige l’avait quitté, avaient jugé qu’elle s’y était fondue ; et, de fait, elle s’était fondue par la vapeur d’une source qui coulait tout auprès dans un vallon. Es s’étaient donc dirigés de ce côté et refusaient d’avancer.

Xénophon, à l’arrière-garde, n’en est pas plutôt instruit, qu’il emploie tous les moyens imaginables pour les supplier de ne pas demeurer en arrière, disant qu’on est suivi d’un gros détachement d’ennemis. Il finit par se fâcher. Ceux-ci demandent qu’on les égorge ; il leur est impossible de faire un pas. On juge que le meilleur parti à prendre est de faire, si l’on peut, une telle frayeur aux ennemis, qu’ils ne tombent pas sur ces malheureux. Il était nuit noire. Les ennemis s’avancent, menant grand bruit et se disputant ce qu’ils avaient pris. L’arrière-garde se lève, toute composée de soldats bien disposés, et court sur eux, tandis que les traînards, jetant les plus hauts cris possible, frappent leurs boucliers de leurs piques. Les ennemis effrayés se jettent dans le vallon à travers la neige, et l’on n’entend plus personne souffler.

Xénophon et les siens promettent aux malades de revenir à eux le lendemain, et continuent leur marche. Ils n’avaient pas fait quatre stades qu’ils trouvent d’autres soldats étendus dans la neige et couverts de leurs manteaux. Aucune garde ne les veillait. On les fait lever : ils disent que ceux qui les précèdent font halte. Xénophon, s’avançant lui-même, envoie devant lui les plus vigoureux peltastes, pour savoir ce qui fait obstacle. Ils lui rapportent que l’armée tout entière fait halte également. Le corps de Xénophon reste donc au bivouac en cet endroit, sans feu et sans souper, et pose de son mieux des sentinelles. Au point du jour, Xénophon envoie les plus jeunes soldats aux malades pour les forcer à se lever et à partir. Au même moment, Chirisophe dépêche du village quelques-uns des siens pour savoir où en sont les derniers. On voit arriver avec joie ces messagers, auxquels on remet les malades pour les porter au camp, et l’on part. On n’avait pas fait vingt stades, qu’on était au village où cantonnait Chirisophe.

Là, Polycrate d’Athènes, lochage, demande qu’il lui soit permis de se porter en avant. Prenant avec lui des soldats agiles, il court au village échu à Xénophon, y surprend chez eux tous les habitants avec leur comarque, prend dix-sept poulains éle-