Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/102

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vés pour la redevance royale, et la fille du comarque, mariée depuis neuf jours : son mari était sorti pour courre le lièvre, et ne fut pas pris dans les villages. Les habitations étaient sous terre : l’ouverture est comme celle d’un puits, mais l’intérieur est vaste ; il y a des issues creusées pour les bestiaux, mais les hommes descendent par des échelles. Dans ces habitations étaient des chèvres, des brebis, des bœufs, de la volaille et des petits de toutes ces espèces : tout le bétail est nourri de foin. On y trouva aussi du blé, de l’orge, des légumes, et du vin d’orge dans des vases à boire. On y voyait flotter l’orge même jusqu’aux bords, ainsi que des chalumeaux, les uns plus grands, les autres plus petits, et sans nœuds. Il fallait, quand on avait soif, en prendre un dans la bouche et sucer. Cette boisson est très-forte, si l’on n’y mêle de l’eau ; mais on la trouve très-agréable quand on y est accoutumé.

Xénophon fait souper avec lui le comarque, et le prie de se rassurer, en lui disant qu’on ne le privera pas de ses enfants et qu’on aura soin, au départ, à titre d’indemnité, de remplir sa maison de vivres, s’il veut, comme guide, mettre l’armée en bonne voie, jusqu’à ce qu’on soit arrivé chez une autre peuplade. Celui-ci promet, et, pour preuve de son bon vouloir, il découvre où l’on a enfoui les tonneaux de vin. Cantonnés ainsi pour cette nuit, les soldats se reposent dans l’abondance de tous les biens, sans toutefois cesser de garder à vue le comarque et ses enfants.

Le lendemain, Xénophon prend avec lui le comarque et va trouver Chirisophe. Dans chaque village où il passe, il rend visite à ceux qui s’y sont cantonnés, et partout il les trouve en festins et en liesse : nulle part on ne le laisse aller qu’il ne se soit assis au repas. Or, il n’y avait pas d’endroit où il ne se trouvât sur la même table de l’agneau, du chevreau, du porc, du veau, de la volaille, avec une grande quantité de pains de froment et de pains d’orge. Quand, par affection, on voulait boire à la santé d’un ami, on le menait au vase, puis il fallait boire, la tête baissée, ta humant, comme fait un bœuf. On permit au comarque de prendre tout ce qu’il voudrait. Il ne voulut rien accepter ; mais, au fur et à mesure qu’il rencontrait un parent, il remmenait avec lui.

Arrivés auprès de Chirisophe, on trouve aussi ceux de ce cantonnement, couronnés de couronnes de foin sec, et se faisant servir par des enfants arméniens, revêtus de leurs robes barbares. On leur montrait par signes, comme à des sourds, ce