férerait les Grecs. Pressé de dire son avis, il invoque les dieux et dit : « Si je vous conseille le meilleur parti, puisse-t-il m’arriver toutes sortes de biens ! Autrement, qu’il m’arrive le contraire ! Cette délibération qu’on dit être sacrée, je la regarde comme telle. En ce moment, si l’on voit que j’ai donné un bon conseil, vous serez beaucoup à me louer ; s’il est mauvais, vous serez beaucoup à me maudire.
« Je sais que ce sera pour nous une bien plus grosse affaire, si vous vous faites transporter par mer, car il faudra que nous vous procurions des vivres ; tandis que, si vous vous en allez par terre, c’est vous qui vous ferez un passage en combattant. Je dirai pourtant ce que je sais, vu que je connais par expérience le pays et les forces des Paphlagoniens. Leur pays est de deux natures, de fort belles plaines et de très-hautes montagnes. Et d’abord, je sais par où il faut y entrer directement Il n’y a pas d’autre chemin qu’une gorge dominée des deux côtés par des montagnes élevées.
« Qu’une poignée d’hommes occupe, s’ils le peuvent, ces hauteurs. Une fois qu’ils en sont maîtres, il n’y a pas d’hommes qui puissent y passer. Je vous le ferai voir, si vous voulez y envoyer quelqu’un avec moi. Je sais ensuite que dans la plaine il y a une cavalerie considérée par les Barbares comme supérieure à toute la cavalerie du roi. Ces gens-là ne se sont point rendus à l’appel du roi : leur chef est bien trop fier.
« Supposons que vous puissiez passer ces montagnes à la dérobée ou en prévenant l’ennemi, et qu’arrivés dans la plaine, vous battiez cette cavalerie, soutenue d’une infanterie qui monte à plus de douze myriades, vous arrivez à des fleuves, et d’abord au Thermodon, large de trois plèthres : il ne sera pas facile, je crois, de le passer, ayant des ennemis nombreux en tête et sur vos derrières. Le second fleuve est l’Iris, qui a aussi trois plèthres de largeur ; et le troisième l’Halys, qui n’a pas moins de deux stades de large. Vous ne pourriez le traverser sans bateaux ; mais des bateaux, qui vous en fournira ? Vient ensuite le Parthénius : il n’est pas plus guéable ; et cependant il faudra le passer, à supposer que vous ayez franchi l’Halys. Je pense donc que la route de terre vous sera non-seulement difficile, mais complètement impossible. Si, au contraire, vous vous embarquez, vous longez la côte d’ici à Sinope, et de Sinope à Héraclée[1], puis, d’Héraclée, vous n’avez
- ↑ Aujourd’hui Erekli.