Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/162

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lui rendre ces deux hommes et de ne point les faire périr. Ils ont souffert jadis bien des peines pour l’armée. Si elle obtient de toi cette grâce, elle en promet sa reconnaissance ; si ta veux te mettre à notre tête et que les dieux nous soient propices, nous te montrerons des soldats disciplinés et en état, par leur soumission, de ne craindre, avec l’aide des dieux, aucun ennemi. Ils te supplient, une fois à notre tête, de les mettre à l’épreuve, eux, Dexippe et tous les autres, de voir ce qu’est chacun, et d’accorder à chacun selon son mérite. » En entendant ces mots. Cléandre s’écrie : « Par les Dioscures, je vous répondrai sur l’heure. Je vous rends les deux hommes ; je suis à vous, et, si les dieux me viennent en aide, je vous ramènerai en Grèce. Ce que tous me dites est bien différent de ce que certains m’avaient dit de vous, que vous cherchiez à détacher l’armée des Lacédémoniens[1]. »

On applaudit à ces paroles et l’on s’en retourne en emmenant les deux hommes. Cléandre sacrifie au sujet du départ, se lie avec Xénophon, et ils contractent ensemble des liens d’hospitalité. En voyant les troupes exécuter les commandements avec précision, il désire plus vivement encore d’en être le chef. Cependant, après trois jours de sacrifices, les victimes n’étant point favorables, il convoque les stratèges et leur dit : « Les entrailles ne me permettent pas de me mettre à votre tête ; toutefois ne perdez point courage : c’est à vous, à ce qu’il paraît, qu’il est réservé de ramener vos soldats. Allez donc ; quand vous serez arrivés là-bas, nous vous recevrons de notre mieux. »

Les soldats sont d’avis de lui offrir tout le menu bétail du dépôt commun. Il l’accepte, le rend, et met seul à la voile. Les soldats, après avoir vendu le blé qu’ils avaient apporté, ainsi que les autres effets qu’ils avaient pris, se mettent en marche à travers la Bithynie. Mais, comme ils ne trouvent rien, en suivant le droit chemin, et qu’ils veulent revenir les mains pleines avant d’entrer en pays ami, ils décident de retourner sur leurs pas un jour et une nuit. Ainsi font-ils, et ils prennent beaucoup d’esclaves et de menu bétail. Au bout de six jours, ils arrivent à Chrysopolis de Chalcédoine[2] : ils y demeurent sept jours à vendre leur butin.


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  1. Le discours de Cléandre est en patois lacédémonien.
  2. Aujourd’hui Scutari.