Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/166

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avions des trirèmes, sur la mer ou dans nos chantiers, nous en avions au moins quatre cents, les richesses abondaient dans la ville, les revenus annuels du pays et des contrées au delà des frontières s’élevaient à plus de mille talents : nous étions maîtres de toutes les îles, nous avions nombre de villes en Asie, plusieurs en Europe, entre autres, cette Byzance où nous sommes aujourd’hui ; cependant nous avons eu le dessous dans cette guerre, comme vous le savez tous.

« Que croyons-nous qu’il nous arrive, aujourd’hui que les Lacédémoniens n’ont pas seulement les Achéens pour alliés, mais les Athéniens et tous les peuples qui jadis étaient liguée avec ceux-ci, quand nous-mêmes nous avons pour ennemis Tissapherne et tous les barbares de la côte, et par-dessus tout le roi des hauts pays, à qui nous étions venus, si nous avions pu, arracher son royaume et la vie ? Avec tout cela contre nous, y a-t-il quelqu’un d’assez fou pour croire que nous serons vainqueurs ? Au nom des dieux, n’agissons pas en insensés ; ne nous perdons pas nous-mêmes en faisant la guerre à notre patrie, à nos amis, à nos parents. Ils sont tous citoyens des villes qui s’armeront contre nous ; et ce sera justice. Nous n’avons pas voulu garder une seule ville barbare, et cela, triomphants ; mais la première ville grecque où nous entrons, nous la mettons au pillage. Je ne forme qu’un vœu : c’est, avant de vous voir commettre une pareille action, d’être à dix mille brasses sous terre. Je vous conseille donc, à vous Grecs, de vous soumettre aux chefs de la Grèce et d’essayer d’en obtenir un traitement équitable. Si vous ne pouvez y réussir, il faut, en dépit même de cette injustice, ne pas vous faire bannir de la Grèce. Pour le moment, je suis d’avis de députer à Anaxibius et de lui dire que nous ne sommes point entrés dans la ville pour y commettre de violence, « Nous voulons, dirons-nous, obtenir de vous quelque allégement et vous faire voir, en cas de refus, que ce n’est pas en gens dupés, mais soumis, que nous sortons de Byzance. »

L’avis est adopté : on envoie Hiéronyme d’Élis pour porter la parole, ainsi qu’Euryloque d’Arcadie et Philésius d’Achaïe. Ils partent pour dire ce dont ils sont chargés. Les soldait étaient encore assis, lorsque Cératade de Thébes vient les aborder : il n’était point banni de la Grèce, mais il allait de côté et d’autre pour obtenir des commandements, et il s’offrait à la ville ou à la nation qui pouvait avoir besoin de général. Il vient trouver les soldats et leur dit qu’il est prêt à les conduire