Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/191

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Et d’abord, je remarque qu’après les dieux ce sont eux qui font mis en évidence, en te faisant roi d’un grand pays et d’un peuple nombreux ; de telle sorte que rien ne peut demeurer caché de ce que tu fais de honteux ou d’honnête. Étant ce que tu es, je regarde pour toi comme un fait important de ne pas renvoyer sans récompense des hommes qui font rendu service, comme un fait important d’obtenir les éloges de six mille hommes, et comme un fait plus important encore de ne jamais laisser douter de ta parole. Je vois, en effet, que la parole ambiguë des gens sans foi est vaine, sans force et sans valeur, tandis que la parole de ceux qui font évidemment profession de vérité ne les conduit pas moins sûrement que la violence des autres au but où ils aspirent. S’ils veulent ramener quelqu’un à la raison, j’observe que leurs menaces ne ramènent pas moins à la raison que les châtiments précipités des autres, et, quand de pareils hommes promettent une chose, ils tiennent aussi bien que d’autres qui donnent sur l’heure.

« Rappelle-toi ce que tu nous as avancé, en noue prenant pour alliés ; tu sais que ce n’est rien. La confiance dans la vérité de tes paroles a entraîné un grand nombre d’hommes à marcher sous tes ordres et à te soumettre un empire qui vaut, non pas cinquante talents, somme que ces soldats se croient due en ce moment, mais infiniment davantage. Eh bien, cette confiance qui fa valu un royaume, tu vas la vendre pour cette somme. Allons, rappelle-toi quelle importance tu attachais à la conquête de cette contrée qui est maintenant soumise. Je suis convaincu qu’alors tu aimerais mieux la posséder qu’une somme beaucoup plus considérable. Il me semble que ce serait pour toi un plus grand dommage et une plus grande tâche de ne pas conserver cette conquête, que de ne point l’avoir faite, comme il serait beaucoup plus fâcheux de devenir pauvre après avoir été riche, que de n’avoir jamais de richesse, comme il serait beaucoup plus affligeant de redevenir simple particulier après avoir été roi, que de n’avoir jamais exercé la royauté.

« Tu sais que les peuples qui subissent aujourd’hui ta loi te sont soumis, non point par affection pour ton autorité, mais par contrainte, et ils essayeraient de reconquérir leur liberté, s’ils n’étaient dominés par la peur. Mais ne crois-tu pas qu’ils te redouteraient encore plus et qu’ils s’attacheraient plus à ta personne, s’ils voyaient les soldats en humeur de rester maintenant auprès de toi, dès que tu leur en donnerais l’ordre, ou tout prête à revenir au besoin, puis les autres, sur le bruit de tes