Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/241

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tages du vaincu, en avons-nous besoin plus que vous-mêmes ? Vous avez entendu tout cela, dit-il en terminant ; vous voyez les armes : que chacun prenne celles qui lui seront nécessaires, et qu’il se fasse inscrire sur le rôle de son taxiarque, pour être du même rang que nous. Cependant celui qui se contente de sa condition de mercenaire, peut demeurer dans ses armes d’esclave. »

Ainsi parle Cyrus. En l’entendant, les Perses jugent qu’après cet appel, s’ils refusent par le partage des mêmes travaux d’obtenir les mêmes avantages, ils mériteront de vivre toujours sans ressources. Ils se font donc tous inscrire, et tous prennent les armes.

Cependant les ennemis ne paraissant pas encore, quoiqu’on annonçât leur venue, Cyrus s’efforce d’exercer les corps de ceux qui sont avec lui, pour leur donner de la vigueur, de leur apprendre la tactique, et d’exciter leurs âmes à toutes les actions guerrières. Et d’abord il leur fait donner par Cyaxare des serviteurs, chargés de fournir largement à chacun des soldats tout ce dont ils peuvent avoir besoin. Cela fait, il ne leur laisse plus d’autre désir que de s’exercer aux travaux guerriers. Il savait que le moyen d’exceller en quoi que ce soit, c’est de renoncer à tout le reste et d’être tout entier à l’œuvre dont on s’occupe. Aussi, même dans leurs exercices militaires, il leur fait abandonner Tare et le javelot, et les accoutume à se battre armés du sabre, du bouclier et de la cuirasse. Il les amène bien vite à reconnaître qu’il faut aller droit aux ennemis ou convenir qu’ils ne servent de rien à leurs alliés. Or, il leur eût été difficile d’en convenir, sachant bien qu’ils n’étaient pas nourris dans une autre intention que de combattre pour ceux qui les nourrissaient.

Ayant pris garde aussi que les hommes se plaisent surtout aux exercices qui entretiennent l’émulation, il propose des luttes pour tous les exercices où il juge que les soldats doivent exceller, recommandant au simple soldat de se montrer docile à ses chefs, laborieux, hardi sans indiscipline, sachant bien son métier, soigneux de ses armes, se piquant de bien faire en toutes choses ; au pempadarque, de se comporter comme un bon simple soldat, et d’y amener ses cinq hommes ; au décadarque, sa décade ; au lochage, son loche ; et de même pour le taxiarque ; et de même encore pour les autres chefs ; d’être eux-mêmes irrépréhensibles et d’avoir l’œil sur les commandants en sous-œuvre, afin que ceux-ci, à leur tour, agissent de même avec ceux qui sont sous leurs ordres.