Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/250

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



CHAPITRE III.


Cyrus rassemble l’armée pour la question des parts égales. — Discours de Cyrus, de Chrysantas et de Phéraulas. — On convient que chacun aura le prix selon sa valeur. — Récit d’un combat grotesque. — Cyrus invite quelques-uns des soldats à souper. — Autres exercices. — Cyrus reçoit à sa table un bataillon tout entier.


Telles étaient les paroles et les actions, plaisantes ou sérieuses, qui se disaient et se faisaient sous la tente. À la fin, on verse les troisièmes libations, on demande les biens aux dieux, et l’on sort de la tente pour se mettre au lit. Le lendemain, Cyrus rassemble tous les soldats et leur dit : « Mes amis, la bataille approche : les ennemis s’avancent. Le prix de notre victoire, si nous sommes vainqueurs, car enfin il faut toujours parler et agir dans ce sens, ce sont, vous le savez, nos ennemis eux-mêmes et les biens de nos ennemis ; mais si nous éprouvons uns défaite, alors tous les biens des vaincus sont également le prix des vainqueurs. Il faut donc que vous sachiez que, quand les hommes réunis pour faire une guerre en commun ont la conviction intime que, si chacun d’eux manque de cœur, rien ne se fera de ce qui doit se faire, ils exécuteront promptement de nombreuses et belles actions : car personne ne demeure inactif dans ce qui doit être fait ; mais quand chacun se dit qu’il y en aura d’autres pour agir et pour combattre, encore qu’il reste lui-même en repos, alors, sachez-le bien, avec des gens de cette trempe, tout ira mal, puisque tout les accablera. La divinité l’a voulu ainsi. Ceux qui ne veulent pas s’imposer à eux-mêmes de faire de belles actions, elle les soumet à l’empire des autres. Maintenant donc qu’on se lève et qu’on réponde à cette question : le courage, selon vous, ne sera-t-il pas mieux pratiqué chez nous, si celui qui affrontera volontairement le plus de travaux et de périls obtient une plus grande récompense, ou bien si nous convenons qu’il ne diffère en rien du lâche ? et alors nous aurons tous des récompenses égales. »

À ces mots, Chrysantas se lève. C’était un des homotimes : il n’était, à le voir, ni grand ni vigoureux, mais il avait une rare prudence ; il dit : « Je crois, Cyrus, que ta pensée n’est pas que les lâches doivent avoir une part égale à celle des braves,