Aller au contenu

Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/275

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

habitants lui font cortège, en lui donnant les noms de bienfaiteur, d’excellent homme ; et ils font ainsi jusqu’à ce qu’il soit sorti de leur pays. L’Arménien lui adjoint de nouvelles troupes, vu la paix qui règne dans ses États. Cyrus s’en va donc, riche non-seulement des richesses qu’il a reçues, mais de celles que sa bonté lui a conquises pour s’en servir au besoin.

On campe ce jour-là sur les frontières. Le lendemain, il renvoie son armée et son argent à Cyaxare, qui était dans le voisinage, comme il l’avait dit. Quant à lui, avec Tigrane et quelques Perses de distinction, il se met en chasse de toutes les bêtes qu’il rencontre, et il y prend grand plaisir. Dès qu’il est arrivé en Médie, il distribue à chaque taxiarque une somme suffisante pour avoir de quoi accorder des distinctions à ceux qui les ont méritées. Il pensait, en effet, que, si chacun mettait sa troupe sur un bon pied, l’ensemble serait au mieux. Lui-même, quand il voyait quelque chose qui dût faire bien dans son armée, il se le procurait pour en faire présent à ceux qu’il en estimait les plus dignes, convaincu que, s’il avait une belle et bonne armée, il n’y avait pas pour lui de plus bel ornement. Tout en faisant ces distributions, Cyrus prononce ces paroles au milieu du cercle des taxiarques, des lochages et de tous ceux qu’il récompensait : « Mes amis, il me semble que nous avons de quoi nous réjouir, puisque nous sommes dans l’abondance et que nous aurons désormais de quoi accorder des récompenses et honorer chacun suivant son mérite. Mais rappelons-nous bien ce qu’il nous a fallu faire pour acquérir tous ces avantages. Avec un peu de réflexion, vous sentirez que nous en sommes redevables à nos veilles, à nos travaux, à notre célérité, à notre résistance à l’ennemi. Il faut donc continuer à être de braves soldats, convaincus que les plus grands plaisirs et les plus grands biens proviennent de la soumission, de la patience, et, quand il le faut, des travaux et des dangers. »

Cyrus trouvant alors ses soldats le corps endurci aux fatigues, l’âme aguerrie à mépriser les ennemis, exercés au maniement de leurs armes respectives, bien préparés tous à obéir à leurs chefs, songe à exécuter de ce moment même les plans qu’il a formés. Il savait que souvent, en temporisant, un général perd le fruit de grands préparatifs. Voyant d’ailleurs qu’à force de rivalité entre concurrents, beaucoup de ses soldats deviennent jaloux les uns des autres, en raison de ce motif, il voulut les conduire le plus tôt possible en pays ennemi, sachant bien que les dangers communs rendent les hommes disposés à