Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/277

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nous attendions ici leur invasion, ou que nous marchions sur eux pour engager la lutte. Et cependant le cœur de nos soldats sera meilleur et plus ferme, si nous marchons contre les ennemis, et si nous n’avons pas l’air de craindre leur venue : ils nous redouteront bien davantage, quand ils sauront que ce n’est point par crainte que nous demeurons chez nous, mais qu’une fois instruits de leur arrivée, nous allons à leur rencontre, pour en venir aux mains au plus vite, sans attendre que notre pays soit ravagé, mais en prenant sur eux l’avance par le ravage de leurs terres. Or, si nous les rendons plus craintifs et nous-mêmes plus hardis, il n’y a pas, que je sache, de supériorité plus grande, et je calcule que le péril diminue pour nous à mesure qu’il augmente pour les ennemis. Mon père dit toujours, tu le dis toi-même, et tout le monde en convient, que les combats se décident plutôt par le courage que par la force du corps. »

Ainsi parle Cyrus ; Cyaxare lui répond : « Que je sois fâché de vous nourrir, ne le soupçonne pas, Cyrus, ni vous autres Perses. Cependant l’entrée en pays ennemi me semble le meilleur de beaucoup. — Puisque c’est notre commun avis, dit Cyrus, faisons ensemble nos préparatifs, et, si les dieux nous secondent au plus vite, partons sans plus tarder. » On ordonne alors aux soldats de préparer leurs bagages. Cyrus offre un sacrifice à Jupiter roi, puis aux autres dieux, et leur demande d’être des guides favorables et propices à l’armée, de puissants appuis, de bons alliés, des conseillers bienveillants. Il invoque aussi les héros habitants et tutélaires de la Médie. Dès qu’il voit les sacrifices favorables à l’armée déjà rassemblée sur la frontière, il part sous les plus heureux auspices. À son arrivée dans le pays ennemi, il se rend la Terre favorable par des libations, les dieux par des victimes, et invoque la bienveillance des héros habitants de l’Assyrie. Cela fait, il offre un nouveau sacrifice à Jupiter national, sans oublier aucun des dieux que sa mémoire lui rappelle.

Toutes les cérémonies achevées, l’infanterie se met en marche et campe à une petite distance de la frontière, tandis que la cavalerie court la campagne, d’où elle revient bientôt chargée d’un immense butin de toute espèce. Ensuite on lève le camp, ayant de tout en abondance et ne cessant de ravager le pays en attendant les ennemis. Quand, en s’avançant, on a appris qu’ils ne sont plus qu’à dix jours de marche, Cyrus dit : « Cyaxare, voici le moment de marcher à la rencontre des en-