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Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/288

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enfants, ils ne désirent pas moins les sauver. Songe que les laies, une fois vues, s’enfuient, quoique nombreuses, avec leurs petits, tandis que si on donne la chasse à un petit de l’une d’elles, elle ne fuit plus, fût-elle seule, mais elle marche sur celui qui tente de le lui ravir. Les ennemis s’étaient renfermés dans leurs retranchements : nous avons donc pu choisir le nombre des leurs que nous voulions combattre ; mais si nous les joignons en plaine, et qu’ils apprennent à se diviser en plusieurs corps qui nous attaquent, l’un de front, comme tout récemment, deux autres en flanc, un quatrième par derrière, demande-toi si nous aurons assez d’yeux et de bras contre chacun d’eux. Enfin, je ne voudrais pas, lorsque je vois les Mèdes se divertir, tes contraindre à chercher de nouveaux dangers. — Mais ne contrains personne, répond Cyrus ; confie-moi seulement ceux qui voudront bien me suivre, et j’espère que nous te ramènerons, à toi et à chacun de tes amis, de quoi vous réjouir tous. Nous n’irons certainement pas poursuivre le gros de l’armée ennemie ; car, comment l’atteindre ? Mais si nous rencontrons quelque corps détaché ou demeuré en arrière, nous reviendrons et nous te l’amènerons. Songe que, sur ta demande, nous avons fait un long trajet pour t’être agréable : il est juste que tu nous sois agréable à ton tour, afin que nous retournions avec quelque chose à la maison et que nous n’ayons pas tous l’œil tourné vers tes finances. — Mais si l’on veut te suivre de bon cœur, reprend Cyaxare, je serai le premier à te savoir gré. — Envoie donc avec moi un Mède en qui tu aies confiance, pour annoncer aux autres tes intentions. — Prends celui qu’il te plaira de tous ceux qui sont ici. » Il y avait là par hasard celui qui s’était dit autrefois le cousin de Cyrus et lui avait donné le baiser. Cyrus dit donc : « Celui-ci fait mon affaire. — Qu’il se décide donc ; et toi, va dire que chacun est libre d’aller avec Cyrus. » Cyrus prend son homme et part. Quand ils sont sortis, Cyrus lui dit : « C’est maintenant que tu me prouveras si tu disais vrai, quand tu prétendais éprouver du plaisir à me voir. — Eh bien, je ne te quitterai plus, dit le Mède, si tu y consens. — Oui ; et te sens-tu le cœur de m’en amener d’autres ? — Par Jupiter, dit l’autre en faisant un serment, jusqu’à ce que tu arrives toi-même à me voir avec plaisir ! » Dès lors, l’envoyé de Cyaxare, non-seulement remplit avec zèle sa mission auprès des Mèdes, mais il ajouta que, pour lui, il ne quitterait jamais un guerrier si beau et si bon, et, qui plus est, issu des dieux.