Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/29

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beaucoup de promesses aujourd’hui, parce que tu es dans un danger imminent, mais que, si tout va bien, tu n’auras plus de mémoire. D’autres disent que, quand même tu aurais souvenance et bonne volonté, tu ne pourrais donner tout ce que tu promets. » Alors Cyrus répondit : « L’empire de mes pères s’étend, vers le midi, jusqu’à des pays que la chaleur rend inhabitables aux hommes ; du côté de l’ourse, jusqu’à des terres glacées ; tout ce qui est au milieu a pour satrapes les amis de mon frère. Si nous sommes vainqueurs, il faut bien que vous, qui êtes nos amis, en deveniez les maîtres ; si bien que j’ai moins peur, en cas de succès, de n’avoir pas assez à donner à chacun de mes amis, que de manquer d’amis à qui je donne. En outre, à vous, Grecs, je donne à chacun une couronne d’or. »

Ceux qui entendirent ces paroles sentirent redoubler leur ardeur et racontèrent le fait aux autres. Les généraux et même quelques Grecs vont trouver Cyrus, désirant savoir ce qu’ils auraient au cas où ils seraient vainqueurs. Il les renvoie tous, le cœur rempli d’espérances. Tous ceux qui s’entretenaient avec lui, quels qu’ils fussent, l’engageaient à ne pas combattre, mais à se tenir à l’arrière-garde. Ce fut dans cette circonstance que Cléarque lui fit à peu près cette question : « Penses-tu, Cyrus, que ton frère veuille combattre ? — Par Jupiter, dit Cyrus, s’il est fils de Darius et de Parysatis et mon frère, ce n’est pas sans coup férir que je prendrai sa place. »

Pendant que les soldats s’armaient, on fit le recensement des Grecs : dix mille quatre cents hoplites et deux mille cinq cents peltastes ; avec Cyrus, dix myriades de Barbares et environ vingt chars armés de faux. L’armée des ennemis était, dit-on, de cent vingt myriades, avec deux cents chars armés de faux, sans compter six mille cavaliers commandés par Artaxercès et rangés devant le roi. À la tête des corps de l’armée royale étaient quatre chefs, stratéges ou généraux, ayant chacun sous ses ordres trente myriades, Abrocomas, Tissapherne, Gobryas, Arbacès. Mais il ne se trouva à la bataille que quatre-vingt-six myriades et cent cinquante chars armés de faux, Abrocomas n’étant arrivé de la Phénicie que cinq jours après l’action. Cyrus, avant la bataille, apprit tous ces détails des transfuges ennemis, venus de l’armée du grand roi ; et, après le combat, ils furent confirmés par les prisonniers[1].

  1. Il y a dissidence entre les témoignages de Xénophon, de Ctésias et de Plutarque sur le nombre respectif des deux armées mises en présence à Cunaxa. M. Duruy, dans une note de son Histoire grecque, page 420 de l’édition de 1851, semble appuyer l’assertion de Xénophon, confirmée déjà par le comte de la Luzerne.