Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Cyrus fait ensuite trois parasanges en une étape, marchant en ordre de bataille avec toutes ses troupes, grecques et barbares : il pensait, en effet, que le roi l’attaquerait ce jour-là. Vers le milieu de cette marche, il rencontra un fossé creusé de main d’homme, fossé profond, d’une largeur de cinq brasses et d’une profondeur de trois. Il s’étendait, en remontant dans la plaine d’une longueur de douze parasanges, jusqu’au mur de la Médie. Il y a dans cette plaine quatre canaux qui dérivent du Tigre : ils sont très-profonds, larges d’un plèthre et portant des bateaux chargés de blé. Ils se jettent dans l’Euphrate et ont de l’un à l’autre la distance d’un parasange : on les passe sur des ponts.

Près de l’Euphrate, entre le fleuve et le fossé, était un passage étroit d’environ vingt pieds. Le grand roi avait fait creuser ce fossé pour se retrancher, lorsqu’il avait appris que Cyrus marchait contre lui. Cyrus et son armée passent le défilé et se trouvent au delà du fossé. Le roi ne se présente point ce jour-là pour combattre ; mais on remarque beaucoup de traces de chevaux et d’hommes battant en retraite. Cyrus alors fait venir le devin Silanus d’Ambracie, et lui donne trois mille dariques, parce que, onze jours auparavant, il lui avait annoncé, pendant qu’il sacrifiait, que le roi ne combattrait pas de dix jours. Or Cyrus lui avait dit : « Il n’y aura pas du tout de combat, s’il n’y en a pas dans l’espace de ces dix jours ; si donc tu dis vrai, je te promets dix talents. » C’était cet or qu’il lui comptait, les dix jours étant expirés.

Comme le roi ne s’était point opposé à ce que l’armée de Cyrus passât le fossé[1], Cyrus crut, ainsi que beaucoup d’autres, qu’il ne pensait plus à combattre ; aussi, le lendemain, marcha-t-il avec moins de précaution. Le troisième jour, Cyrus s’avance, assis sur son char, avec peu de soldats devant lui, la plupart des troupes marchant en désordre, et beaucoup de soldats faisant porter leurs armes sur des chariots et sur des bêtes de somme.

  1. Plutarque, Vie d’Artaxercès, nous apprend la cause de cette conduite d’Artaxercès : il voulait se retirer dans la province de Perse, et y attendre que toutes ses forces fussent réunies pour combattre Cyrus.