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Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/305

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même demeurer auprès de nous. Donne-lui une tente où il puisse trouver tout ce qui lui conviendra le mieux. De mon côté, je m’efforcerai de lui donner un emploi qui lui soit plus agréable que de s’en retourner. Parle-lui aussi de l’espoir des grands biens qui attendent tous nos amis, si tout va bien. Cela fait, reviens auprès de moi. »

L’Hyrcanien s’en va conduire le Mède à la tente, et celui qui est envoyé en Perse se présente, tout prêt à partir. Cyrus lui recommande de rendre compte aux Perses de tout ce qui a été expliqué dans leur entretien, et le charge d’une lettre pour Cyaxare. « Je veux, dit-il, te lire ce que je lui écris, afin que, la connaissant, tu répondes dans le même sens, s’il te demande quelque chose là-dessus. » Or, voici ce qu’il y avait dans cette lettre : « Cyrus à Cyaxare, salut. Nous ne l’avons point abandonné : personne, quand il triomphe de ses ennemis, n’est alors abandonné de ses amis. En te quittant, nous n’avons pas cru te mettre en péril : au contraire, plus nous sommes éloignés, plus nous pensons t’avoir procuré de sécurité ; car les amis qui restent assis près de leurs amis ne leur procurent pas une sécurité parfaite, mais ce sont ceux qui repoussent les ennemis le plus loin possible qui mettent leurs amis à l’abri du danger. Examine quel je suis à ton égard, et quel tu es envers moi pour m’adresser des reproches. Je t’ai amené des alliés, pas autant que tu le conseillais, mais autant que j’en ai pu rassembler. Tu m’as permis d’emmener, quand j’étais en pays ami, tous ceux que je pourrais emmener : maintenant que je suis en pays ennemi, tu ne rappelles pas qui veut, mais tout le monde. Je comptais partager ma reconnaissance entre toi et les tiens ; maintenant tu me forces à l’oublier et à la réserver tout entière à ceux qui m’ont accompagné. Cependant je ne puis devenir semblable à toi : j’envoie en Perse demander un renfort, à condition que tous ceux qui viendront me rejoindre s’informent si tu as besoin d’eux avant devenir à nous, non pour suivre leur volonté, mais pour se soumettre à la tienne. Je te conseille donc, quoique plus jeune que toi, de ne jamais retirer ce que tu as donné, de peur que, au lieu de la reconnaissance, tu ne recueilles de la haine. Quand tu désires qu’on se rende vite auprès de toi, que ton appel ne soit point menaçant : ne fais pas observer que tu es seul, quand tu menaces un grand nombre, de peur que tu n’apprennes aux autres à te mépriser. Au reste, nous tâcherons de te rejoindre dès que nous aurons exécuté des projets dont nous croyons le succès également avantageux à toi et à nous.