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Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/340

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tes troupes sans moi ; je craignais que ta colère ne t’entraînât à quelque chose qui nous affligeât tous. Grâce aux dieux, moi présent, tu seras à l’abri de ce côté, Quant à ta pensée, que je t’ai offensé, il est bien douloureux pour moi, pendant que je travaille de toutes mes forces pour le plus grand avantage de mes amis, qu’on me soupçonne d’agir contre leurs intérêts. Mais cessons de nous accuser vaguement. Voyons plutôt, s’il est possible, voyons nettement quel est mon grief envers toi. Je te fais une proposition tout à fait raisonnable entre amis. Si je suis convaincu de t’avoir nui en quoi que ce soit, je m’avouerai coupable ; mais s’il est prouvé que je ne t’ai pas nui, que je n’ai pas même voulu te nuire, ne conviendras-tu pas que tu n’as reçu de moi aucune offense ? — Il faudra bien que j’en convienne. — Et s’il est clair que je t’ai bien servi, que tout mon zèle a été pour ton bien, autant que je l’ai pu, ne serai-je pas digne d’éloge et non de blâme ? — C’est juste. — Eh bien donc, dit Cyrus, examinons toutes mes actions une à une : c’est le meilleur moyen de voir ce que j’ai fait de bien ou de mal. Remontons à l’époque de mon commandement, si cela paraît te suffire.

« Quand tu fus informé que les ennemis s’étaient rassemblés en grand nombre, et qu’ils marchaient contre toi et ton territoire, tu envoyas aussitôt demander du secours aux Perses, et tu me prias, en particulier, de faire mes efforts pour être placé à la tête des Perses qui pourraient venir. Ne me suis-je pas rendu à tes instances, en venant moi-même et en t’amenant, autant que possible, les soldats les plus nombreux et les meilleurs ? — Oui, tu es venu. — Dis-moi donc tout d’abord si tu m’accuseras, sous ce rapport, d’avoir commis une offense envers toi, ou si ce n’est pas plutôt un service. — Il est évident, dit Cyaxare, que c’est un service. — Continuons. Quand les ennemis sont arrivés, et qu’il a fallu en venir aux mains avec eux, m’as-tu vu me refuser à la fatigue et me ménager dans le danger ? — Non, par Jupiter ! non. — Et quand, avec l’aide des dieux, nous avons remporté la victoire, quand les ennemis ont été en déroute, et que j’ai pressé de les poursuivre en commun, d’en tirer une commune vengeance, de recueillir en commun le succès et le profit, m’accuseras-tu là d’une ambition toute personnelle ? » À cela Cyaxare ne répond rien. Cyrus reprend : « Puisque tu aimes mieux te taire là-dessus que de me répondre, dis-moisi tu crois que je t’ai offensé, lorsque, te voyant convaincu qu’il n’y avait pas de sûreté à poursuivre, je ne t’ai