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Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/357

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songeons maintenant qu’à nous pourvoir de vivres pour une vingtaine de jours, tant pour nous que pour tous les quadrupèdes qui nous suivent. Car, à mon compte, nous mettrons plus de quinze jours à traverser un pays où nous ne trouverons point de subsistances, parce que nous en avons enlevé nous-mêmes une partie, et les ennemis, tout ce qu’ils en ont pu. Il faut donc avoir les vivres voulus, sans quoi nous ne pourrions ni combattre ni vivre : quant au vin, que chacun n’en prenne que ce qu’il en faut, pour nous accoutumer par degrés à ne boire que de l’eau. Car nous aurons une longue partie de la route à faire sans trouver de vin, et, lors même que nous en apporterions une grande quantité, elle ne saurait suffire. Afin donc que la privation subite de vin ne nous rende pas malades, voici ce qu’il faut faire. Dès à présent, dans nos repas, commençons à ne boire que de l’eau : en agissant ainsi, ce changement sera peu nuisible : ceux d’entre nous qui ne vivent que de farine, la délayent dans de l’eau pour en faire une pâte ; le pain que chacun mange est pétri avec de l’eau, et c’est avec de l’eau qu’on fait cuire tout ce qui est bouilli. Si donc nous ne buvons du vin qu’à la fin du repas, notre âme ne languira point pour avoir moins à boire. Il faut ensuite retrancher encore ce vin bu après le dîner, jusqu’à ce que, sans nous en apercevoir, nous soyons devenus buveurs d’eau. Toute modification qui vient peu à peu rend toute espèce de nature susceptible de changement : c’est ce que nous enseigne la Divinité, en nous faisant passer par degrés de l’hiver aux chaleurs brûlantes de l’été, et des chaleurs aux froids rigoureux. Imitons-la, et marchons par l’accoutumance où il nous est nécessaire d’arriver.

« Emportez, au lieu de lits, un poids égal en choses nécessaires à la vie : les objets nécessaires, fussent-ils superflus, ne sont jamais inutiles. Parce que vous n’aurez point de couvertures, ne craignez pas de dormir moins agréablement ; sinon, prenez-vous-en à moi : quiconque a un vêtement convenable, le trouve suffisant en santé comme en maladie. Pour provisions de bouche, il faut s’en procurer qui soient piquantes, de haut goût et salées : elles excitent l’appétit et se conservent longtemps. Quand nous arriverons dans des lieux intacts, d’où nous pourrons tirer du blé, il faudra nous pourvoir de moulins à bras pour le broyer ; c’est le plus léger de tous les instruments à faire du pain.

« N’oublions pas non plus tout ce qu’il faut pour les malades : ces objets ne sont pas lourds, et, le cas échéant, ils sont fort