Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/361

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ils ? — Ils se rangent en bataille ; hier et avant-hier ils n’ont pas fait autre chose. — Et celui qui les range en bataille, dit Cyrus, quel est-il ? — Crésus en personne, disent-ils, et avec lui un Grec et je ne sais quel Mède : on dit de ce dernier que c’est un transfuge de chez vous. — Ah ! très-grand Jupiter, s’écrie alors Cyrus, puissé-je le prendre comme je le veux ! »

Cela dit, il fait retirer les prisonniers, et, comme il se retourne pour parler à ceux qui demeurent, arrive un nouvel envoyé du chef des éclaireurs, qui lui dit qu’on aperçoit dans la plaine un gros escadron de cavalerie. « Nous conjecturons, dit-il, qu’il vient pour reconnaître l’armée ; car il est précédé d’une trentaine de cavaliers qui se portent au galop de notre côté, peut-être à dessein de nous enlever notre poste, où nous ne sommes qu’une décade. » Cyrus ordonne aussitôt à quelques-uns des cavaliers qu’il avait toujours près de lui d’aller s’embusquer auprès de ce poste. « Dès que votre décade, dit-il, aura quitté le poste, montrez-vous tout à coup, et chargez ceux qui s’en seront emparés. Que le gros escadron ne vous inquiète pas : toi, Hystaspe, marche à sa rencontre avec un millier de chevaux ; mais prends garde de t’engager dans des lieux inconnus ; contente-toi de protéger nos postes, et reviens. Si quelques ennemis accourent vers toi levant la main droite, accueille-les avec bonté. »

Hystaspe s’en va prendre ses armes : les cavaliers de Cyrus partent au galop, suivant son ordre. Or, ils rencontrent, en dehors même du poste des coureurs, Araspe et son escorte, Araspe envoyé depuis longtemps comme espion, Araspe le gardien de la belle Susienne. Dès que Cyrus apprend sa venue, il se lève de son siège, court au-devant de lui, et lui tend la main. Les autres, comme de juste, qui ne savent rien, demeurent tout étonnés de cet accueil, jusqu’au moment où Cyrus leur dit : « Mes amis, voici qu’il nous arrive un excellent homme, et il est temps que tout le monde sache ce qu’il a fait. Ce n’est ni la honte du crime, ni la crainte de ma colère, qui l’a fait partir ; c’est moi qui l’ai envoyé dans le camp des ennemis, pour pénétrer dans leurs tentes et nous instruire nettement de ce qui est. Oui, Araspe, je me souviens de nos promesses, et nous nous unirons tous pour les remplir. Il est juste, camarades, que vous honoriez avec moi la vertu d’un homme qui, pour nous servir, a eu le courage d’affronter le danger et le poids apparent d’un crime. » À ces mots, tous embrassent Araspe et lui serrent la main. Mais Cyrus leur ayant dit que cela suffisait pour le mo-