Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/383

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Cependant Cyrus avait envoyé Hystaspe à la tête d’une armée dans la Phrygie, voisine de l’Hellespont. Aussitôt qu’Adusius est de retour, il reçoit ordre de prendre avec ses troupes la même route qu’Hystaspe, afin que les peuples de ces contrées se soumettent plus promptement à Hystaspe, en apprenant l’arrivée d’un renfort. Les Grecs qui habitent les bords de la mer obtiennent, à force de présents, de ne point recevoir chez eux des troupes étrangères, à condition de payer un tribut et de suivre Cyrus à la guerre, partout où il les appellera. Quant au roi des Phrygiens, il se préparait à défendre vivement ses forteresses et à ne point céder : il avait formellement déclaré sa résolution ; mais, resté presque seul par la défection de ses principaux lieutenants, il finit par se jeter entre les bras d’Hystaspe et à la merci de Cyrus. Hystaspe établit des garnisons dans les places et sort du pays avec le reste de ses troupes, grossies d’une foule de cavaliers et de peltastes phrygiens. Cyrus avait ordonné qu’après la jonction d’Adusius avec Hystaspe, les deux généraux emmèneraient, sans les désarmer, ceux d’entre les Phrygiens qui auraient embrassé son parti, et qu’ils ôteraient les armes et les chevaux à ceux qui auraient fait résistance, les réduisant à suivre l’armée avec des frondes.

Ainsi font-ils. Cyrus alors quitte Sardes, en y laissant une forte garnison d’infanterie perse, accompagné de Crésus et suivi d’une grande quantité de chariots, portant une foule d’objets précieux. Avant le départ, Crésus, ayant dressé l’état exact de tout ce que porte chaque chariot, remet cet écrit à Cyrus en lui disant : « Cyrus, avec cet état, tu sauras qui te rend fidèlement ou non ce qu’il avait sous sa garde. — Tu fais bien, répond Cyrus, de prendre cette précaution ; mais, comme ceux des miens à qui ces richesses seront confiées, y ont un droit légitime, en en volant quelque chose, ils se voleront eux-mêmes. » Cependant, il en donne l’état à ses amis et aux chefs principaux, afin qu’ils puissent distinguer parmi les préposés ceux qui seront fidèles ou non. Cyrus emmène avec eux quelques Lydiens qui lui avaient paru aimer les belles armes, les beaux chevaux, les beaux chars ; tous ceux qu’il voit prêts à faire ce qu’ils pensent lui agréer, il leur laisse les armes ; quant à ceux qu’il voit marcher à regret, il distribue leurs chevaux aux Perses qui font avec lui leur première campagne, jette leurs armes au feu, et les force de suivre une fronde à la main. Il exige pareillement que tous ceux des prisonniers qui seront privés de leurs armes s’exercent à la fronde, espèce d’arme qu’il estime