vaux et des chiens ceux qu’il croit les plus capables de mettre ces animaux en état de lui servir. À l’égard de ceux qu’il destine à être les supports de sa prospérité, il ne commet à personne le soin de veiller à ce qu’ils deviennent aussi bons que possible, mais il croit que cette fonction ne convient qu’à lui. Il savait que dans une bataille, ce serait parmi ces hommes-là qu’il choisirait ceux qui devaient marcher à ses côtés ou à sa suite lorsqu’il courrait les plus grands dangers ; que c’était de leur corps qu’il aurait à tirer les taxiarques de l’infanterie ou de la cavalerie, les généraux qu’il enverrait commander, à son défaut ; les gardiens et les satrapes des villes et des provinces entières ; les ambassadeurs qu’il aurait à députer, regardant comme essentiel de venir à bout de ses desseins sans recourir à la guerre. Or, s’il n’avait pas d’hommes capables d’exécuter les affaires importantes et compliquées, il sentait bien que tout irait mal, tandis que, s’il avait des serviteurs comme il faut, tout marcherait à son gré. Il résolut donc de se livrer tout entier à cette surveillance. Il pensait que ce serait pour lui un exercice de vertu, persuadé que, quand on n’est pas soi-même vertueux, on ne peut exciter les autres à tout ce qu’il y a de beau et de bon. Ces réflexions le conduisirent à comprendre que, pour surveiller les grands, il lui fallait, avant tout, du loisir. Mais voyant, d’un côté, que les dépenses nécessaires dans un empire aussi vaste que le sien ne lui permettaient pas de négliger les finances ; de l’autre, que, s’il voulait y veiller par lui-même, il ne lui resterait pas, vu l’immensité de ses domaines, un seul moment pour s’occuper d’un objet d’où dépend le salut de l’empire ; l’esprit attentivement tourné vers le moyen de bien administrer ses finances et de se ménager du loisir, il s’avise de prendre pour règle de conduite l’ordre qui s’observe dans les corps militaires. Les décadarques veillent sur la décade, les lochages sur les décadarques, les chiliarques sur les lochages, et les myriarques sur les chiliarques, en sorte que dans une armée, il n’y a personne qui n’ait un chef, fût-elle de plusieurs myriades ; or, quand le général veut donner un commandement, il lui suffit de donner l’ordre aux myriarques. Cyrus forme sur ce modèle son plan d’administration : il règle tout, en conférant avec peu de personnes, et il lui reste plus de temps libre que n’en a le chef d’une maison ou le commandant d’un vaisseau. Cet ordre établi, il engage ses amis à s’y conformer et les fait participer ainsi au loisir qu’il s’est ménagé.
Il tourne ce loisir vers lui-même et vers ceux qui l’entourent,