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Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/399

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et il commence, avec l’autorité d’un chef, à rendre ceux qu’il s’est associés tels qu’il les désire. Et d’abord, tous ceux qui, se trouvant assez riches pour vivre sans être obligés de travailler, manquaient de venir aux portes, il leur en demandait la raison, présumant que ceux qui s’y rendraient assidûment n’oseraient rien faire de criminel ni de honteux sous le regard de leur chef, et avec la pensée que rien de ce qu’ils feraient n’échapperait aux hommes les plus distingués, et que pour ceux qui ne s’y rendraient pas, on pourrait imputer leur absence à la débauche, à l’injustice, à la négligence. Expliquons donc d’abord comment il s’y prenait pour forcer même ceux-ci à se présenter. Il ordonnait à quelqu’un de ses plus intimes amis d’aller se saisir de leurs biens, en disant seulement qu’il prenait ce qui était à lui. Cela fait, les dépouillés venaient au plus vite se plaindre de cette injustice. Cyrus, durant longtemps, ne se donnait pas le loisir de les entendre ; puis, quand il les avait entendus, il renvoyait à un terme éloigné le jugement de l’affaire. Il espérait ainsi les accoutumer à faire leur cour, se rendant moins odieux que s’il les eût contraints par un châtiment. Voilà son premier moyen de leur apprendre à se montrer toujours présents. Un autre qu’il employait aussi, c’était de charger des commissions les plus faciles et les plus lucratives ceux qui se présentaient à lui : un autre encore, c’était de ne rien accorder aux absents. Enfin le plus puissant de tous était la contrainte envers ceux qui avaient résisté aux précédents : il les dépouillait réellement de toutes leurs possessions, pour les donner à un autre, de qui il comptait tirer plus de services : par là, il remplaçait un mauvais ami par un ami utile. Le roi actuel s’informe encore, quand on s’absente, de la raison qui fait manquer à ce devoir.

Ainsi se conduisait-il à l’égard des absents. Pour ceux qui se présentaient assidûment, il croyait qu’étant leur chef il les porterait infailliblement à tout ce qu’il y a de beau et de bon, s’il s’efforçait lui-même de se montrer à ses sujets paré de toute espèce de vertus. Il convenait que les lois écrites peuvent contribuer à rendre les hommes meilleurs, mais il disait qu’un bon prince est une loi voyante, qui observe en même temps qu’elle ordonne, et qui punit le délinquant.

D’après ces principes, il considère, avant tout, ce qui regarde les dieux, et paraît s’en occuper avec d’autant plus de zèle, qu’il est arrivé au plus haut point de prospérité. Il commence par établir des mages, et lui-même, sans y jamais manquer, il célèbre avec le jour les louanges des dieux, et offre chaque jour