Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/401

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rence de la part des inférieurs, toujours prêts à céder aux supérieurs, et des deux parts une grande réserve et une concorde harmonieuse. On n’eût entendu là ni les éclats de la colère, ni les rires d’une joie immodérée ; en les voyant, on eût dit, ce qui était, un vie sagement ordonnée. Voilà ce que voyaient et ce que faisaient ceux qui vivaient aux portes.

Afin de former à la guerre, il emmenait à la chasse ceux qu’il croyait utile de façonner à ces exercices ; et il pensait que la chasse est le meilleur apprentissage de la guerre, la véritable école de l’équitation. Pour se tenir en selle sur toute espèce de terrains, la chasse y rend fort habile, vu la nécessité de poursuivre les bêtes qui fuient, et elle rend capable d’agir à cheval par l’émulation et le désir d’atteindre le gibier. L’abstinence, le travail, le froid, le chaud, la faim, la soif, c’est surtout à la chasse qu’il accoutumait ses familiers à les supporter ; et maintenant même, le roi et ceux qui l’entourent continuent d’agir ainsi.

La conviction où était Cyrus qu’on n’est pas digne de commander, quand on n’est pas plus parfait que ceux auxquels on commande, est, d’après ce qu’on vient de dire, manifeste aux yeux de tous. En exerçant ainsi ceux qui l’entouraient, il s’exerçait beaucoup plus encore lui-même à la tempérance, aux arts et aux manœuvres de la guerre. En effet, il ne les menait à la chasse que quand il n’y avait point nécessité de rester. Et pour lui, quand il y avait nécessité, il chassait, dans la maison, les animaux nourris dans les parcs. Il ne prenait jamais de repos qu’après s’être fatigué jusqu’à suer, et ne faisait donner à manger aux chevaux qu’après les avoir travaillés. Il appelait à cette chasse ses porte-sceptres, qui étaient autour de lui. Il avait, ainsi que ceux qui l’entouraient, une très-grande supériorité dans tous les nobles exercices, grâce à cette application continuelle ; et il pouvait être proposé comme un modèle en ce genre. De plus tous ceux qu’il voyait en quête du bien, il les honorait de présents, de dignités, de places, de toute espèce de distinctions. De là naissait une émulation générale à qui se montrerait le meilleur aux yeux de Cyrus.

Nous croyons avoir remarqué dans Cyrus cette règle de conduite qu’un prince, pour s’attacher ses sujets, ne doit pas seulement être meilleur qu’eux, mais user d’une sorte d’artifice. Il prit donc l’habillement des Mèdes, et engagea ses familiers à s’en revêtir. Cet habillement, en effet, a l’avantage de cacher les défauts du corps et de faire paraître plus grands et plus