Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/416

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CHAPITRE IV.


Cyrus donne à ses amis un repas, d’où n’est point bannie la plaisanterie. — Il marie Hystaspe à la fille de Gobryas, et fait des présents lux conviés. — Il renvoie une partie de ses troupes dans sa patrie et garde le reste à Babylone. — Présents faits aux chefs et aux soldats. — Discours qu’il tient à ses amis.


Les sacrifices achevés, Cyrus, voulant célébrer sa victoire par un festin, invite ceux de ses amis en qui il voit pour lui un respect mêlé d’affection, et le plus de zèle pour l’accroissement de son pouvoir. Il invite aussi le Mède Artabaze, l’Arménien Tigrane, l’hipparque des Hyrcaniens, et Gobryas. Gadatas était chef des porte-sceptres de Cyrus. Or c’était sur lui que roulait toute l’organisation de l’intérieur, telle qu’il l’avait établie. Aussi, toutes les fois qu’il y avait un repas chez Cyrus, Gadatas ne s’y asseyait point, mais il en avait la direction. Cependant, quand ils étaient seuls, Gadatas prenait place à la table de Cyrus, qui se plaisait à son intimité. En conséquence, il recevait de Cyrus de grands et nombreux honneurs, et, à cause de Cyrus, de tous les autres. Aussitôt que les conviés sont arrivés, Cyrus ne les place point au hasard : il fait asseoir à sa gauche, comme la partie du corps qu’il est plus dangereux de laisser exposée, celui qu’il estime le premier de ses amis, le second à sa droite, le troisième à gauche, le quatrième à droite, et ainsi de suite, quand il y en avait plus.

Il croyait utile de marquer publiquement par là les degrés de son estime. En effet, il ne peut y avoir d’émulation où les hommes distingués par leur mérite n’obtiennent ni préférence ni récompense : quand on voit, au contraire, que les meilleurs sont les mieux traités, il y a évidemment là une lutte de zèle pour le bien. Cyrus voulut donc que tout désignât ceux qu’il estimait le plus, à commencer par l’ordre des séances et des places à ses côtés. Et cependant ces places mêmes n’étaient point données à perpétuité : une loi réglait que les belles actions élèveraient aux plus honorables, et que le relâchement en ferait redescendre. Or, celui qui s’asseyait à la première place. Cyrus aurait rougi de le renvoyer sans quelques riches présents. Ce que Cyrus a établi sur ce point, nous l’avons encore vu persister de nos jours.