Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/419

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es tout petit : en la prenant grande, si tu veux l’embrasser debout, il faudra que tu sautes comme les petits chiens. — Ta prévoyance est excellente, d’autant plus que je ne suis pas bon sauteur. — Ensuite il est urgent qu’elle soit camuse. — Pourquoi cela ? — Parce que tu as le nez aquilin : or, le camus et l’aquilin, ne l’oublie pas, s’ajustent parfaitement ensemble. — Ne vas-tu pas dire alors que, comme j’ai bien dîné, une femme à jeun m’irait merveilleusement ? — Oui, ma foi, dit Cyrus : un ventre plein devient aquilin, et un ventre à jeun est camus. » Alors Chrysantas : « Et à un prince froid, pourrais-tu nous dire, au nom des dieux, quelle est la femme qui lui convient ? » Sur ce mot, Cyrus se met à rire, et tout le monde en fait autant. On riait encore quand Hystaspe dit à Cyrus : « Il y a une chose entre toutes, Cyrus, que j’envie dans ta royauté. — Laquelle ? dit Cyrus. — C’est de pouvoir, froid comme tu l’es, faire rire les autres. — Tu payerais donc bien cher, dit Cyrus, pour avoir dit tout cela, et pour qu’on puisse annoncer à celle à qui tu veux plaire que tu es un garçon d’esprit ? » Et voilà comme ils se raillaient.

Après cela, Cyrus fit présent à Tigrane de plusieurs bijoux et le pria de les donner à sa femme pour avoir bravement suivi son mari à la guerre : il donna un vase d’or au Mède Artabaze, et un cheval au prince hyrcanien, outre un grand nombre d’effets précieux. « Quant à toi, Gobryas, je te donnerai un mari pour ta fille. — C’est donc moi, dit Hystaspe, que tu lui donneras, afin que je devienne possesseur des écrits de Gobryas. — As-tu, dit Cyrus, un bien qui réponde à celui de sa fille ? — Qui, par Jupiter, et plus encore. — Mais où donc est l’on bien ? dit Cyrus. — À l’endroit même où tu es assis, puisque tu es mon ami. — Ce trésor me suffit, » dit Gobryas ; et, tendant la main vers Cyrus : « Donne, Cyrus, dit-il, je l’accepte. » Cyrus prend la main d’Hystaspe et la met dans celle de Gobryas, qui la reçoit. Il fait ensuite à Hystaspe de riches présents, pour les envoyer à sa fiancée ; et tirant à lui Chrysantas, il lui donne un baiser. « Ah ! par Jupiter, dit Artabaze, la coupe que tu m’as donnée, Cyrus, et le don que tu viens de faire à Chrysantas ne sont pas du même or. — Je t’en ferai un pareil, repart Cyrus. — Quand donc ? demanda Artabaze. — Dans trente ans. — J’attendrai donc, et, comme je ne veux pas mourir avant, songe à t’acquitter. » Ainsi se termine le souper. Tous s’étant levés, Cyrus se lève, et les accompagne jusqu’aux portes.

Le lendemain, il renvoie dans leur pays tous les alliés qui ont