Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/449

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près pour l’empêcher de se retourner. Les Thessaliens, se voyant poursuivis, contre leur attente, continuent leur retraite, tandis qu’une partie d’entre eux, essayant de faire volte-face, sont pris au moment de faire obliquer leurs chevaux. L’hipparque Polycharme, de Pharsale, se retourne ainsi et périt avec ses compagnons d’armes. Dès lors la défaite devient générale : les uns sont taillés en pièces, les autres faits prisonniers, et le reste ne s’arrête qu’arrivé au mont Narthace. Agésilas érige un trophée entre les monts Pras et Narthace, où il séjourne quelque temps, satisfait d’avoir vaincu des ennemis fiers de leur cavalerie, avec une troupe qu’il avait formée lui-même.

Le lendemain, il franchit les montagnes de Phthie, et poursuit sa route à travers des pays alliés jusqu’aux confins de la Béotie. Là, ayant trouvé en bataille l’armée ennemie, composée de Thébains, d’Athéniens, d’Argiens, de Corinthiens, d’Énians, de Locriens des deux pays[1], et d’Eubéens, il n’hésite pas, et range aussitôt son armée. Il n’avait qu’une more et demie de Lacédémoniens, et, parmi les alliés du pays, les Phocéens seulement et les Orchoméniens, avec les troupes qu’il avait lui-même amenées. Dire qu’il engagea l’action contre une armée bien supérieure en nombre et en courage, ce serait présenter, selon moi, Agésilas comme un insensé, et moi comme un fou, en louant un général qui laisse au hasard les plus graves intérêts ; mais je l’admire pour avoir su se créer une armée aussi forte que celle de l’ennemi, et si bien armée qu’on l’eût dite toute d’airain, toute de pourpre ; pour avoir mis les soldats en état de supporter les fatigues ; pour avoir rempli leur âme d’un tel courage qu’ils étaient prêts à combattre contre n’importe quel ennemi ; pour leur avoir inspiré tant d’émulation qu’ils cherchaient à se surpasser les uns les autres ; pour leur avoir donné l’espérance que tout irait bien, s’ils se montraient hommes de cœur. Convaincu qu’avec de tels hommes il pouvait attaquer résolument l’ennemi, il ne fut pas déçu dans son attente.

Je vais retracer ce combat : c’est l’un des plus remarquables de notre époque. Les deux armées se rencontrèrent dans la plaine voisine de Coronée, celle d’Agésilas venant du Céphise, et celle des Thébains de l’Hélicon. On voyait[2] les phalanges parfaitement égales de part et d’autre, et la cavalerie à peu

  1. C’est-à-dire des Locriens Ozoles et Opuntiens.
  2. Xénophon assistait à ce combat. — Cf. Hist. grec, IV, III ; Plutarque, Agésilas, XVIII.