Aller au contenu

Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/459

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il rendait inutiles les plus forts retranchements de ses ennemis, soit en les évitant, soit en les franchissant, soit en les surprenant. Chaque fois qu’il était en marche, sachant bien qu’il pouvait être assailli par les ennemis, s’ils le voulaient, il conduisait toujours son armée en bon ordre, de manière à ce qu’elle fût en état de servir, et la faisant avancer avec la réserve d’une vierge pleine de modestie. Il savait que c’est l’unique moyen d’être exempt d’inquiétudes, sans aucune espèce de terreur, de trouble, de fautes et d’embûches. Aussi, en agissant de la sorte, il était redoutable aux ennemis, et savait inspirer à ses amis de la confiance et de la force : par là il se garda du mépris de ses adversaires, des amendes de ses concitoyens, du blâme de ses amis, constamment aimé, constamment loué de tous les hommes.



CHAPITRE VII.


Patriotisme d’Agésilas ; sa haine des Barbares.


Son patriotisme, à le raconter en détail, demanderait trop de temps. Je crois qu’il n’y a aucune de ses actions qui n’ait été dirigée vers ce but. Bref, nous savons tous qu’Agésilas, quand il croyait une chose utile à sa patrie, ne s’épargnait aucune peine, n’évitait aucun danger, ne ménageait point sa fortune, n’alléguait ni son corps[1], ni son grand âge ; il pensait que le devoir d’un bon roi est de faire le plus de bien possible à ses sujets. Mais je place parmi les plus grands services rendus à sa patrie, qu’étant le plus puissant dans sa ville natale, il se montra le plus soumis aux lois. Qui donc eût refusé d’obéir, en voyant le roi se soumettre ? Qui donc, se croyant déclassé, eût entrepris d’innover, en sachant que le roi, docile aux lois, en accepterait l’empire, lui qui traitait ses adversaires politiques comme un père ses enfants ? Il les reprenait de leurs fautes, les récompensait quand ils faisaient bien, les secourait s’il leur arrivait malheur, ne considérait aucun citoyen comme un ennemi, était disposé à les louer tous, à regarder leur conservation comme un avantage, et comme un dommage la perte du dernier d’entre eux. Rester constant et fidèle aux lois, c’était, ainsi

  1. « Il avait, dit Cornélius Népos, une petite taille, un corps grêle, et boitait d’un pied ; ce dernier défaut était même assez choquant. »