Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/464

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garde pas ce discours comme une plainte funèbre[1] mais plutôt comme un éloge : ce qu’il pouvait entendre vivant, je ne fais que le répéter ici ; Et d’ailleurs, quoi de moins fait pour une plainte funèbre qu’une vie glorieuse et une mort qui vient à son heure ? Quoi de plus digne d’éloges que de belles victoires et d’importants exploits ? On aura donc raison de le proclamer heureux, lui qui, brûlant, dès sa jeunesse, de se faire un nom, s’est rendu plus illustre qu’aucun de ses contemporains ; lui qui, naturellement avide de gloire, ne fut jamais vaincu, du moment qu’il fut roi ; lui qui enfin, parvenu au plus grand âge accordé à l’homme, est mort irréprochable aux yeux de ses sujets et de ceux qu’il avait combattus.



CHAPITRE XI.

Résumé et conclusion.


Je veux reprendre sommairement tout ce que j’ai dit de sa vertu, pour que cet éloge se grave mieux dans la mémoire. Agésilas respectait les temples, même sur le territoire ennemi, convaincu que l’aide des dieux n’est pas moins désirable sur le terrain de la guerre que sur celui de la paix. Il ne voulait donc pas qu’on fît violence aux ennemis réfugiés auprès des dieux, regardant comme absurde d’appeler sacrilèges les voleurs des temples, et de croire pieux quiconque arrache les suppliants des autels[2]. Une maxime qu’il ne cessait de répéter, c’est que, selon lui, les dieux n’aiment pas moins les bonnes actions que les victimes pures. Dans la prospérité, il ne méprisait pas les hommes, mais il remerciait les dieux. Hors du péril, il faisait plus de sacrifices qu’il n’en avait promis dans le danger. Il avait coutume, dans les moments critiques, de paraître gai, et modeste dans les occasions favorables. Entre ses amis, ce n’étaient pas les plus puissants, mais les plus aimants qu’il chérissait davantage. Il haïssait, non l’homme qui se vengeait d’une injure, mais celui qui, après un bienfait, se montrait ingrat. Il aimait à voir pauvres ceux qui recherchent les

  1. Littéralement un thrène, espèce de chant funèbre.
  2. Voy. plus haut, chap. II, le récit de la bataille de Coronée, à la fin. — Cf. Cornélius Népos, Agésil., IV