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Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/463

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N’est-ce pas encore une belle chose, et qui prouve son grand sens, qu’il ait pris soin de faire briller sa maison d’exercices et d’objets virils, nourrissant quantité de chiens de chasse et de chevaux de guerre ; engageant Cynisca, sa sœur, à élever des attelages de char, et faisant remarquer, quand elle était victorieuse, que cet entretien était moins une preuve de courage que d’opulence ? N’était-ce pas une marque de son grand cœur de penser que pour avoir vaincu des particuliers, il n’en serait pas plus célèbre ; mais que, s’il avait une ville chérie de tous, s’il se faisait de nombreux et excellents amis par toute la terre, s’il se plaçait au-dessus de sa patrie et de ses amis par ses bienfaits, de ses ennemis par ses victoires, il serait réellement vainqueur dans la plus belle et la plus honorable de toutes les luttes, et se ferait un nom durant sa vie et après sa mort ?



CHAPITRE X.


Agésilas est le modèle de toutes les vertus.


Voilà pourquoi je loue Agésilas. Ce n’est pas ici un homme qui a trouvé un trésor, et qui devient plus riche, sans être plus économe[1], qui a vaincu ses ennemis affaiblis par une contagion, et qui est plus heureux, sans être meilleur général. Mais le premier par la patience quand il faut travailler, le plus énergique quand il s’agit de combattre, le plus prudent quand il faut délibérer, voilà celui que j’appelle avec raison un grand homme, voilà celui que j’estime un héros accompli ! Si c’est une belle invention pour les hommes que la règle et le niveau pour diriger les bons ouvrages, la vertu d’Agésilas me paraît un beau modèle pour ceux qui veulent s’exercer à l’honnêteté. Le moyen, en effet, de devenir impie, quand on a devant soi le modèle de la piété ; injuste, celui de la justice ; insolent, celui de la modération ; débauché, celui de la tempérance ? Car il était moins fier de régner sur les autres que de se commander à lui-même ; de mener ses concitoyens contre les ennemis que vers toute vertu.

Au reste, parce que je le loue après sa mort, qu’on ne re-

  1. Allusion à quelque anecdote ou à quelque personnage de fable ou de comédie.