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Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/479

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CHAPITRE X.


Moyen de faire pratiquer la vertu par les vieillards ; dernières considérations sur l’ensemble des lois.


Voici encore une loi excellente, selon moi, établie par Lycurgue, pour faire pratiquer la vertu jusque dans la vieillesse. En plaçant au dernier terme de la vie le droit d’être élu sénateur, il a fait que dans la vieillesse même on ne négligeât point la vertu[1]. Il faut aussi admirer l’appui qu’il prête à la vieillesse des gens de bien. Comme il n’accorde qu’aux vieillards le droit de concours pour les qualités morales, il a rendu la vieillesse plus honorable que la force des jeunes gens. Et certes, c’est avec raison que ce concours est l’objet d’une recherche toute particulière. Sans doute, c’est une belle chose que les jeux gymniques, mais ils ne sont que pour le corps, tandis que le concours pour être élu sénateur met à portée de juger les belles âmes. Et d’autant que l’âme est supérieure au corps, autant les luttes où l’âme est en jeu sont plus dignes d’émulation que celles du corps.

Cela étant, comment ne pas admirer complètement Lycurgue ? Convaincu que les ennemis de la vertu sont un obstacle à la prospérité des États, ce grand homme a contraint, à Sparte, tous les citoyens à l’exercice public de la vertu. Ainsi la différence qui existe, parmi les particuliers, entre ceux qui négligent la vertu et ceux qui la pratiquent, doit exister aussi entre Sparte et toutes les autres villes, vu que seule elle pratique publiquement le bien.

N’est-ce pas un fait notable que toutes les autres cités punissent quiconque fait du tort à son semblable, et que Lycurgue ne punisse pas moins quiconque néglige de se montrer ouvertement homme de bien ? Il pensait sans doute que les trafiquants d’esclaves, les fraudeurs, les voleurs, ne causent de préjudice qu’à leurs dupes, tandis que les lâches et les efféminés trahissent des villes entières. C’est donc avec raison, selon moi du moins, qu’il a infligé aux gens de cette espèce les plus rigoureux châtiments.

  1. Les premières lignes de ce chapitre sont fort controversées. J’ai suivi de préférence le texte de Weiske.