Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/493

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Le peuple athénien paraît encore avoir prie une mauvaise mesure, en contraignant les alliés à venir par mer à Athènes pour leurs procès. Mais il calcule de son côté tous les avantages qui peuvent en résulter pour le peuple d’Athènes. Et d’abord, il tire profit toute l’année des sommes consignées par les parties[1] ; ensuite, sans sortir de chez lui, sans mettre voiles dehors, il gouverne les villes alliées, soutient les États démocratiques et écrase ses ennemis dans les tribunaux. Si. au contraire, les alliés avaient chez eux droit de justice, leur haine des Athéniens leur ferait conjurer la perte de tous ceux des leurs qui tiendraient pour le peuple d’Athènes.

Ce n’est pas tout : le peuple athénien gagne encore ceci à traduire les alliés devant les tribunaux d’Athènes. D’abord la république s’enrichit de la perception du centième au Pirée[2] ; ensuite, si l’on a une maison à louer, on en tire un meilleur profit ; et de même, si l’on a un attelage ou un esclave à mettre en location ; enfin les crieurs publics ne se trouvent pas mal de ces voyages des alliés. De plus, si les alliés ne venaient pas vider leurs procès à Athènes, ils n’auraient de considération que pour ceux des Athéniens qui naviguent chez eux stratèges, triérarques, députés ; maintenant, chacun des alliés est contraint de faire la cour à tout le peuple, sachant bien qu’une fois à Athènes il ne pourra perdre ni gagner que par devant le peuple, qui est la loi d’Athènes[3]. Là encore on est forcé de s’humilier dans les tribunaux et de prendre la main de chaque arrivant. Aussi les alliés sont-ils réellement les esclaves du peuple.

En outre, le soin de leurs propriétés hors de l’Attique et l’exercice de leurs fonctions à l’étranger n’ont pas permis aux Athéniens d’ignorer l’art de ramer, eux et leurs gens. En effet, il est nécessaire que quiconque navigue souvent prenne en main la rame, aussi bien que les esclaves, et qu’il connaisse les termes de marine. Par suite, ils deviennent bons pilotes, soit par l’habitude des bâtiments, soit par l’exercice. Or, ils s’exercent à gouverner, les uns, une embarcation, les autres, un navire de charge, et de là quelques-uns passent aux trirèmes. Et, pour la plupart, à peine ont-ils mis le pied sur un vaisseau,

  1. Littéralement les Prytanies, πρυτανεῖα. C’était, d’après le Scoliaste d’Aristophane, vers 1134 des Nuées, une somme d’argent déposée par les deux partis adverses, demandeur et défendeur.
  2. On ne peut douter que ce ne fût un droit d’entrée et de sortie, prélevé sur les marchandises et peut-être même sur les individus.
  3. Nouvelle ironie.