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Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/53

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Quand ils ont entendu ce rapport, ils conduisent l’homme à Cléarque et lui rendent compte de ce qu’il a dit. Cléarque se sent troublé, épouvanté même à ce récit. Cependant un jeune homme de ceux qui étaient présents, après un moment de réflexion, fait observer qu’il y a désaccord entre l’attaque et la rupture du pont. « Il est clair que, s’ils nous attaquent, ils seront vainqueurs ou vaincus. Vainqueurs, à quoi leur sert de couper le pont ? Y en eût-il plusieurs autres, nous ne saurions où nous sauver après une défaite. Si c’est nous qui sommes vainqueurs, le pont rompu, ils n’auront plus où fuir, et ils ne trouveront aucun secours dans les forces nombreuses qu’ils ont sur l’autre rive, du moment que le passage du pont n’existera plus. »

Alors Cléarque demande à l’envoyé de quelle étendue est le pays situé entre le Tigre et le canal. Celui-ci répond que le pays est vaste, avec de nombreux villages et beaucoup de grandes villes. On s’aperçoit alors que les Barbares ont envoyé cet homme en sous main, de crainte que les Grecs, après avoir coupé le pont, ne restent dans l’île, où ils auraient eu pour retranchement d’un côté le Tigre, de l’autre le canal, avec des vivres assurés, puisque cette espèce d’île était vaste, fertile, peuplée de cultivateurs, offrant, en outre, un asile sûr à quiconque eût voulu inquiéter le roi. On prend ensuite du repos, tout en envoyant une garde à la tête du pont ; mais personne ne l’attaqua ; il ne parut même aucun ennemi devant le pont, ainsi que les sentinelles l’assurèrent. Le lendemain, au point du jour, on passe le Tigre sur un pont de trente-sept bateaux, avec toutes les précautions possibles ; car des Grecs qui étaient auprès de Tissapherne avaient prévenu qu’on serait attaqué au passage, mais c’était un faux avis. Seulement Glos, avec quelques autres barbares, parut au moment où l’on passait, regarda si l’on traversait, et, l’ayant vu, s’éloigna au galop.

Des bords du Tigre, on fait vingt parasanges en quatre étapes et l’on arrive au fleuve Physcus[1], large d’un plèthre : il y a un pont. En cet endroit s’élève une grande ville nommée Opis[2]. Les Grecs y rencontrent le frère naturel de Cyrus et d’Artasercès[3], amenant de Suse et d’Ecbatane une armée considérable au secours du roi. Il fait faire halte à son armée et re-

  1. Aujourd’hui l'Odorneh.
  2. Antiochia sous les Séleucides.
  3. L’histoire n’a pas gardé son nom.