Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 2.djvu/56

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pour toi. Cela étant, qui serait assez fou pour ne pas désirer être ton ami ? Mais il y a plus, et je vais te dire d’où me vient l’espoir que tu voudras aussi devenir le nôtre. Je sais que les Mysiens vous inquiètent ; j’espère, avec les forces dont je dispose, les réduire à votre soumission. J’en dis autant des Pisidiens, et il est beaucoup d’autres peuples dont on m’a parlé, et dont j’espère faire cesser les atteintes à votre repos. Pour les Égyptiens, contre lesquels je vous sais tout particulièrement irrités, je ne vois pas quelles autres forces que les miennes vous pourriez employer pour les châtier. Enfin, parmi les peuples qui t’avoisinent, s’il en est dont tu veuilles être l’ami, ils n’en trouveront point de plus puissant ; et si quelqu’un t’inquiète, tu seras un maître absolu qui extermine, en nous ayant pour ministres, nous qui ne te servirions pas seulement par espoir d’une solde, mais par un sentiment de reconnaissance dont notre salut, dû à ta bonté, nous ferait un devoir. Pour moi, quand je considère tous ces motifs, je suis tellement étonné de ta défiance, que j’apprendrais avec le plus vif plaisir le nom de l’homme assez habile dans l’art de parler pour te persuader par ses discours que nous tramons contre toi. » Ainsi parle Cléarque ; Tissapherne répond :

« Oui, je suis charmé, Cléarque, d’entendre de ta bouche ces paroles sensées. Avec ces idées, si tu méditais quelque mauvais dessein contre moi, tu me paraîtrais aussi ennemi de tes intérêts que des miens. Mais pour être bien sûr que vous auriez le plus grand tort de vous défier du roi et de moi-même, écoute à ton tour. Si nous voulions vous perdre, te semble-t-il que nous n’aurions pas assez de cavalerie, d’infanterie, d’armes, pour être en état de vous nuire sans courir le moindre risque ? Les terrains propres à vous attaquer nous manqueraient-ils, le crois-tu ? Et ces vastes plaines qui nous sont amies, et que vous traversez avec tant de peines, et ces montagnes qui se dressent devant vous et qu’il vous faut franchir, ne pouvons-nous pas, en les occupant d’avance, vous en fermer le passage ? Et ces fleuves, ne voyez-vous point qu’il en est dont nous pouvons tirer comme d’un arsenal tout ce qu’il nous plaira pour combattre autant de troupes que nous voudrons, et qu’il en est d’autres que vous ne sauriez traverser en aucune façon, si nous n’étions point là pour vous faire passer ?

« Supposons qu’en tout cela nous ayons le dessous, le feu n’est-il pas plus fort que les fruits de la terre ? Et nous pour-