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LA PORTEUSE DE PAIN

un petit bâtiment situé au fond de la cour, à gauche de la grande porte destinée aux voitures de service, et de la porte bâtarde par laquelle entraient et sortaient les ouvriers.

Ce bâtiment se composait d’un rez-de-chaussée et d’un étage, le tout fort exigu.

Le rez-de-chaussée ne comportait qu’une chambre et une cuisine.

Un escalier en colimaçon conduisait au premier étage, formé de deux pièces étroites : l’une servant à Jeanne de chambre à coucher, l’autre de chambre de débarras.

Son fils Georges occupait une couchette de fer auprès de son lit.

L’ameublement, — avons-nous besoin de le dire ? — était plus que modeste ; mais une ménagère flamande se serait déclarée satisfaite de sa propreté et de son état d’entretien.

Aussitôt rentrée dans sa demeure en quittant le contremaître, Jeanne s’assit et se mit en devoir de raccommoder du linge rapporté par la blanchisseuse.

Tout en travaillant, elle pensait à la conversation qu’elle venait d’avoir avec Jacques Garaud.

— Peut-être, pour mes enfants, vaudrait-il mieux, en effet, que je me remarie, — murmurait-elle, — mais, pour moi, ce serait bien triste… — Jamais, je le sens, je n’effacerai de mon cœur l’image de mon pauvre Pierre, et comment sourire au second mari quand on est hantée sans cesse par le souvenir du premier ?… — Certes, Jacques est intelligent, il est instruit et travailleur… — Il arrivera sans doute à une belle position… Il trouvera moyen de s’établir à son compte… Les petits seraient heureux… — Oui, mais je n’aime pas Jacques et je crois bien que je ne viendrai jamais à bout de l’aimer. — Il y a des moments où il me fait peur… — La violence de son caractère m’épouvante. — Sa volonté est une barre de fer. — J’élèverai mes enfants moi-même… je travaillerai… Ma place de gardienne de l’usine ne m’empêchera pas de m’occuper un peu de couture… — Non… non… je ne me remarierai point… — Je l’ai promis à mon pauvre Pierre à son lit de mort ; je lui tiendrai parole…

Et la jeune veuve, envahie par l’émotion, se mit à sangloter.

Le petit Georges jouait auprès de sa mère avec son cheval de carton, celui de ses joujoux qu’il aimait le mieux.

Il entendit les sanglots de Jeanne et, courant à elle :

— Petite maman, — s’écria-t-il en lui tendant les bras, — tu pleures !… pourquoi pleures-tu ? — Qui donc qui t’a fait du chagrin ?… Il ne faut pas pleurer, je serai bien sage… je te le promets… ne pleure plus…

Jeanne souleva son enfant, le pressa sur son cœur, et, à vingt reprises, l’embrassa avec une effusion passionnée.