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époque. On croit qu’il détruisit ou falsifia le testament de son père, et dépouilla ainsi son frère, votre ancêtre, de sa part d’héritage. Ce fait n’est pas prouvé, mais on n’en doute guère, et l’on cite mille exemples de ses fureurs et de sa méchanceté. Il força une pauvre jeune fille à l’épouser, quoiqu’elle en aimât un autre ; puis il devint jaloux, fit enlever son rival, l’enferma dans une tour de son château, et paya le juge Jefferies pour qu’il le condamnât à mort ; on dit même qu’il contraignit sa femme d’assister à l’exécution. Enfin, il se fit tant haïr qu’il fut obligé de fuir le pays. Il se rendit en Hollande auprès de Guillaume d’Orange, dont il gagna la faveur. Il employa sa fortune pour la cause de ce prince, et c’est ainsi qu’il obtint son titre de baronnet. Il entra ensuite dans l’armée et servit longtemps, puis il revint chez lui, quand il crut ses fautes oubliées. Mais il perdit la raison bientôt après, et finit par se pendre dans la chambre même où il avait enfermé sa victime.

— C’est une horrible histoire, dit Laura ; mais je ne vois pas pourquoi elle vous touche si vivement.

— N’es-il pas écrit que les péchés des pères seront punis sur les enfants ? Et les Morville n’ont-ils pas dès lors, entassé crime sur crime, malheur sur malheur ? Mon pauvre père, avec sa mort tragique et prématurée, a peut-être été le plus heureux de tous.

— Le péché et la mort règnent sur nous tous, dit Laura ; et vous ne devez pas oublier que, si vous êtes un Morville, vous êtes aussi un chrétien.